samedi, avril 20, 2024
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    Bertrand Zibi Abeghe résiste jusqu’au bout

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    Dans une lettre adressée le 13 juin dernier au président de la République Ali Bongo Ondimba depuis la prison Centrale de Libreville, Bertrand Zibi Abeghe, refuse l’humiliation que lui aurait proposé des émissaires du Chef de l’État. L’ancien député de Bolossoville à Minvoul et soutien de Jean Ping y dénonce les menaces de mort et les intimidations. En revanche, il continue de clamer son innocence, réclame sa libération telle que prévue par la justice le 13 septembre prochain et semble croire que ses jours sont comptés car sa vie serait menacée. Nous publions intégralement ladite lettre.

    « A la très haute attention de son 

    Excellence ALI BONGO ONDIMBA

    Président de la République Gabonaise, Chef d’Etat

    Objet : Mon testament avant ma mort

    Excellence Monsieur le Président,

    Je viens auprès de votre bienveillance pour vous faire part de ce qui suit. Je vous parlerai de tout cœur. Monsieur le Président, comme il est dit dans la bible (Pr 12.17):« Celui qui dit la vérité proclame la justice ».

    Excellence Monsieur le Président de la République, Dans la journée du lundi 23 mai 2022, vous avez envoyé le commandant en chef de la Garde Républicaine, le général Brice OLIGUI NGUEMA pour me rencontrer. J’ai été extrait de ma cellule à la prison centrale de Libreville, par le directeur de ladite prison, le lieutenant-colonel Télésphore NGOUSSI, à 15h et nous sommes montés à bord de son véhicule, direction le bureau du commandant en chef de la sécurité pénitentiaire, le général Jean-Germain EFFAYONG ONONG.

    Là nous attendait déjà le général Brice OLIGUI NGUEMA. Si tôt les salutations terminées, le général OLIGUI m’a dit qu’il était envoyé par vous, pour discuter avec moi. J’ai écouté religieusement Monsieur OLIGUI. Voici ce qui ressort de votre message qui m’a été transmis:

    1. Vous me demandez de vous écrire une lettre de pardon et de remerciements, pour que vous me sortiez de prison.

    2. Vous me faites comprendre entre les lignes que si je ne vous écris pas cette lettre, autour de vous il y’a des “faucons” qui sont en train de préparer d’autres accusations contre moi, cela en complicité avec de hauts magistrats, des officiers de forces de l’ordre et des services spéciaux. Je serai accusé de crimes ou délits imaginaires. Exactement, comme ce qui m’a déjà fait passer six ans en prison. L’objectif de cette manœuvre étant de me garder en prison jusqu’en 2023 et au-delà.

    3. Autour de vous, certains parlent de me tuer d’ici le 13 septembre 2022 (date de ma fin de peine et de ma libération, après six ans). Cela se fera par empoisonnement, mutinerie à la prison centrale où l’armée sera obligée d’intervenir et je serai abattu d’une balle perdue, comme un chien… D’autres plans sont en étude.

    4. Vous vous proposez, si j’accepte vos conditions, de me nommer au prestigieux poste de : VICE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU GABON. Pour travailler à vos côtés.

    5. Vous vous proposez de m’indemniser financièrement en compensation des six ans que j’aurais passé en prison. 

    6. Autre point abordé : ma sortie le 13 septembre 2022. Selon vos services de renseignements, le peuple gabonais dans les neuf provinces du pays serait en train de se préparer à ma sortie de prison. (Des banderoles, des t-shirts, des pancartes, etc. seraient confectionnés pour cet évènement. Votre entourage ne veut pas de cette mobilisation qui est en train de s’organiser. Motif : Ne pas faire de moi un “héros national”.

    Excellence Monsieur le Président de la République, permettez-moi de répondre en toute franchise à vos demandes et inquiétudes. Les saintes écritures dans la sainte Bible, Matthieu 5 nous enseignent ceci : « Que votre parole soit “OUI” si c’est “OUI”, “NON” si c’est “NON” ce qui vient en plus est du mauvais ». Monsieur le président, c’est pour cette raison que je vais une fois de plus vous ouvrir mon cœur, cette fois-ci peut-être au péril de ma vie…

    En effet, Monsieur le Président, chèr frère, nous nous connaissons depuis plus de trente ans. Dans ma longue interview accordée à TV+, après ma démission de mon poste de Député, j’étais longuement revenu sur notre relation. Je vous conseille Monsieur le président de resuivre cette interview qui date de juillet 2016 et est toujours disponible sur YouTube. Cela étant dit, vous me connaissez et je vous connais. Nous nous connaissons, comme des frères d’un même pays, le Gabon. Monsieur le Président, sur le premier point : 

    1. Vous me demandez de vous écrire une lettre de pardon et de remerciements. Pardon pour quoi ? Monsieur le président, cher frère, c’est vous qui depuis ma démission de mon poste de Député à Bolossoville par Minvoul avez décidé de faire de ma vie un véritable calvaire. Au passage je vous signale que je n’étais pas le seul Député à démissionner en 2016. Juste quelques jours après ma démission, mon domicile familial avait failli partir en fumée… Des éléments encagoulés y avaient mis le feu. N’eut été la solidarité de nos voisins qui avaient fait preuve de rapidité et d’efficacité pour arrêter l’incendie, ma famille aujourd’hui serait dans la rue. Ensuite j’ai échappé miraculeusement à la mort dans la nuit du 31 août 2016, lors de l’assaut du Quartier Général du président Jean Ping. Bombardements qui avaient fait plusieurs morts. 

    – J’ai été immédiatement arrêté le premier septembre 2016.

    – J’ai été gardé pendant deux semaines dans une fosse septique et sauvagement torturé à la Direction Générale de Renseignement (D.G.R), à dix mètres du palais présidentiel où vous vivez. De fausses accusations et de fausses preuves ont été inventées contre moi, pour m’envoyer en prison. Deux agents de la Direction Générale de Renseignement clairement identifiés aujourd’hui, les nommés Mathieu LEYINGA, alias Malone et NZE Darel, sont allés déposer une arme de guerre dans mon chantier. Après une pseudo fouille de cinq minutes, ils ont retrouvé l’arme qu’ils avaient eux-mêmes dissimulé au préalable.

    – Un criminel notoirement connu du grand banditisme dans notre pays, le nommé KEMEBIEL Hamed André alias Fiston, a été instrumentalisé par vos plus proches collaborateurs, vos aides camps : Arsène ENVAOUH et Luc ANVAME, selon les propres propos de Sieur KEMEBIEL lors de mon procès en appel… Le monde entier avait été médusé. 

    – Au tribunal, lors de mon procès, ce n’était plus l’arme trouvée dans mon chantier qui a été présentée, mais une autre arme et il n’y avait plus ni chargeur ni balle trouvés dans l’arme.

    Nous étions passés au tribunal, d’une arme de guerre de type KALASHNIKOV à un fusil d’oiseaux… Le monde entier avait été très choqué de cette falsification grossière de preuves, par un tribunal censé dire le droit.

    – Tous les témoins cités par maître BONGHO MAVOUNGOU Emery, l’avocat du criminel KEMEBIEL et qui par un grand hasard est aussi votre avocat (drôle de coïncidence) m’avaient tous innocenté à la barre, lors du jugement devant le peuple gabonais, au nom de qui, la justice est rendue. Malgré mon innocence, malgré la falsification grossière des preuves, malgré le plaidoyer mémorable de tous mes avocats, j’ai quand même lourdement été condamné à une peine de six ans ferme. Six ans de ma vie partie en fumée.

    – A la prison centrale de Libreville, j’ai été sauvagement torturé, plusieurs fois en présence de l’ancien directeur de l’époque, le général Paul MITOMBO. J’ai même perdu pendant plus de trois mois l’usage de mes pieds. J’ai également eu une fracture de la clavicule et cette fracture a mal cicatrisé ; je dois y subir une opération chirurgicale délicate. Pendant ces tortures, j’ai failli y laisser ma vie, d’autres moins chanceux que moi à l’instar du défunt détenu OLIMBO et du togolais Thomas y ont laissé leurs vies.

    – J’ai séjourné six mois au C.B, un quartier disciplinaire de la prison. Véritable enfer sur terre. Dans ce quartier, il n’y a pas de lumière, juste quelques trous d’aération. On ne savait pas quand il faisait jour ou nuit. Plus de cinquante degrés. On ne pouvait porter qu’un slip, tellement la chaleur y est suffocante. J’étais resté six mois en slip et torse nu sans un autre habit. Au C.B j’ai perdu trente pour cent de ma vue. J’ai vu là-bas la mort de très près. D’ailleurs j’avais perdu plusieurs codétenus.

    – J’ai été ensuite envoyé pendant quatre ans et trois mois au C.A, quartier de Gros-Bouquet où se trouvent tous les malades mentaux de la prison. Monsieur le Président, chèr frère, il y’a à Gros-Bouquet des fous, de véritables fous comme ceux qui déambulent dans nos rues. Je vous épargne la vie dans un tel univers pendant plus de quatre ans.

    Excellence Monsieur le Président de la République, après un tel vécu depuis 2016 à aujourd’hui, pourquoi devrais-je vous demander pardon ? De m’avoir autant torturé ? De m’avoir fait subir autant d’atrocités ? Je ne vous demanderai pas pardon et je ne vous remercierai pas. 

    Monsieur le Président, voici les principales raisons qui font que je ne vous écrirai pas une lettre manuscrite, comme vous me l’exigez :

    • Première raison :

    Elle est d’ordre spirituel. Selon nos us et coutumes, l’écriture d’un Homme a un caractère très mystique ; c’est le reflet de son âme et de son esprit. Trop de marabouts, féticheurs et autres pratiquants du vaudou et sorciers attendent cette lettre de moi pour des rituels mystico-magiques, pour “tuer” mon esprit et mon âme. Une fois de plus comme nous l’enseigne les saintes écritures : « Que sert à l’Homme de gagner l’univers entier s’il vient à perdre son âme ? »

    • Deuxième raison :

    La deuxième raison de mon refus de vous écrire cette lettre est l’exploitation qui en sera faite par votre équipe de communication qui est déjà mobilisée pour en faire un outil de dénigrement. 

    Cette lettre sera largement diffusée dans tous les médias à travers le monde. L’objectif étant de me discréditer et de me “tuer politiquement”. C’est une véritable obsession de votre entourage d’en finir avec moi par tous les moyens. 

    Monsieur le Président, dans la sainte Bible (Rm 14, 17-19), il est dit : « Le royaume de Dieu ne consiste pas en des questions de nourriture ou de boisson ; il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint. Celui qui sert le Christ de cette manière-là plaît à Dieu, et il est approuvé par les hommes. Recherchons donc ce qui contribue à la paix et ce qui construit les relations mutuelles. »

    Excellence Monsieur le Président, ces deux raisons ne me permettent pas de vous écrire cette lettre.

    2. Vous me faites comprendre entre les lignes que si je refuse vos propositions, je pourrais me voir décerner un autre mandat de dépôt qui me maintiendrait en prison après ma date de sortie qui est prévue pour le 13 septembre 2022. Cette nouvelle condamnation me gardera en prison pour une éternité ; peut-être que je perdrai même ma vie… 

    Monsieur le Président, je vous prie de bien vouloir relire religieusement le serment que vous avez prononcé devant la cour constitutionnelle et devant tout le peuple gabonais lors de la cérémonie solennelle de prestation de serment pour endosser votre statut de Président de la République du Gabon : « Je jure de consacrer toutes mes forces au bien du peuple gabonais ». Ce serment doit être votre bréviaire. C’est ce serment qui vous lie au peuple gabonais.

    3. Mon assassinat à la prison est également évoqué. Pourquoi vous acharnez-vous à tuer quelqu’un qui est déjà mort depuis 2016 ? Qu’est-ce que ma mort va vous apportez ? Est-ce que ma mort va construire les routes, les hôpitaux, les écoles et toutes les infrastructures que ce pays pleure depuis des décennies ? Pourquoi mettre autant d’énergie pour perdre un simple citoyen ? 

    4. Vous-vous proposez de me nommer au prestigieux poste de : VICE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE GABONAISE, pour que je travaille à vos côtés.

    Excellence monsieur le président, je suis très honoré par votre proposition sur ma modeste personne. Merci pour cette grande marque d’attention mais comme je vous l’avais déjà fait savoir en 2017, 2018 et 2019 lorsque vous me proposiez d’entrer au gouvernement, je ne suis pas intéressé par ces postes. Je pense qu’autour de vous il y’a des personnes qui sont prêtes à tuer père et mère pour ces postes, nommez-les. 

    Excellence Monsieur le Président de la République, pour ma part je ne vous demande qu’une seule et unique chose : LIBEREZ-MOI. 

    Sortez-moi de la prison dans laquelle vous m’avez enfermé depuis trop longtemps. J’ai juste envie de reprendre ma vie, voir grandir mes enfants et surtout voir vieillir ma pauvre mère. Je souhaite prendre dans mes bras ma fiancée et surtout être libre, aller dans mon village BOUTH-ENGASSE par Minvoul et pouvoir aller me faire opérer ma clavicule dans mon deuxième pays, les Etats-Unis d’Amérique. Je veux embrasser mes enfants que je n’ai pas vu depuis six ans. Prendre dans mes bras ma petite fille que j’ai laissé à deux mois et qui est maintenant une grande dame qui passe au CP2…

    Vraiment mon cœur saigne.

    5. Vous vous proposez de m’indemniser pour les six ans de prison. Monsieur le Président, je vous remercie pour cette intention. Merci pour cette magnanimité. Cet argent est la propriété du peuple gabonais, il en a plus besoin que moi. Je vous suggère de le mettre à la disposition des retraités de la CNSS ou de renflouer les caisses de la CNAMGS. Vous pourrez également l’utiliser pour payer les antirétroviraux à nos compatriotes atteints du VIH/SIDA et qui depuis plusieurs mois n’ont plus de médicaments. Plusieurs sont déjà morts et d’autres sont au bord de la mort…

    Votre père, feu OMAR BONGO ONDIMBA, ancien président du Gabon, n’a-t-il pas dit de manière solennelle et testamentaire je cite : « Dieu ne nous a pas donné le droit de faire du Gabon ce que nous sommes en train de faire, il nous observe… »

    6. Ma sortie de prison le 13 septembre 2022, après six ans de calvaire, est devenue une véritable équation pour vos collaborateurs et tous les faucons autour de vous. Pourquoi cette panique ? Pourquoi vous opposer aux Gabonais qui voudraient venir m’accueillir à ma sortie de prison ? Si les Gabonais confectionnent banderoles, t-shirts, pancartes et autres, est-ce un délit ? Les Gabonais ne sont-ils pas libres de venir à la prison le 13 septembre 2022 ? 

    Monsieur le Président je n’ai rien demandé de cette mobilisation. Les Gabonais sont libres de faire ce qui leur semble bon. Je profite de cette occasion pour dire un grand merci à tous les Gabonais, par milliers, qui venaient me soutenir lorsque j’étais conduit au tribunal.

    Du fond du cœur : AKIBA, ABORA, DIBOTI, AKEWA, LEVELEWE, MALOUMBI… 

    Monsieur le Président, je vous écrit cette lettre aux noms de nos ancêtres gabonais: AKOMA MBA, WONGO, NYONDA MAKITA, NSOLET BITEGUE, MBOMBEY et de nos martyrs: Fabien Méré, Casimir OYE MBA, Pierre Claver ZENG, Gregory NGWA MINTSA, Louis-Patrick  MOMBO, André MBA OBAME, Pierre MAMBOUNDOU, Hervé MOMBO KINGA (matricule 001), NDOUNA Depenaud, Martine OULABOU, DOUKAGAS NZIENGUI, DJOUE DABANY, MBOULE BEKA, Alphonse LAYIGUI, OBEYE Christophe, OSSIALI ONGAYE capitaine MANDZA NGOKOUTA, AISSA, TOULEKIMA, MBA Germain, Joseph RENDJAMBE, SONNET…

    Monsieur le Président, j’ai essayé de vous répondre en toute franchise et avec le cœur. Le défunt président OMAR BONGO aimait à dire : « Ne pas avoir peur de négocier et ne pas négocier avec la peur ». Je vous demande juste de me libérer. 

    Au Général Brice OLIGUI NGUEMA,

    Je vous remercie pour cet échange qui a été très clair et franc. Je vous connais depuis que vous étiez lieutenant, aide-camp de Feu OMAR BONGO, à cette époque, vous assistiez à chacune de mes audiences avec lui. Vous connaissez parfaitement mon franc parler et mon engagement pour le Gabon. 

    Souvenez-vous du dossier qu’il m’avait confié en votre présence et celle de Pascaline MFERRI BONGO et du ministre des finances de l’époque PAUL TOUNGUI pour l’achat d’un avion de type Boeing 777 ? Dans cette affaire, ma commission s’élevait à plusieurs milliards de nos francs. Vous savez parfaitement que j’avais fait annuler ce projet à la dernière minute… parce qu’il n’était pas fiable et surtout que des prédateurs de notre économie devaient une fois de plus piller le Gabon par cette annulation. J’avais également renoncé à ma commission importante. Plusieurs personnes m’avaient traité de fou… Souvenez-vous en… Je l’avais fait pour épargner l’argent de notre peuple.

    Bien qu’étant de famille modeste, vous savez mon général tout ce que j’ai fait pour essayer de préserver l’argent du contribuable gabonais. Lorsque le défunt Président me confiait un dossier n’avait-il pas souvent dit en votre présence qu’il appréciait ma rigueur et mon sens élevé du patriotisme… Bref je sers mon pays en pensant toujours à nos enfants. Mon Général, ne faites pas couler mon sang. Qui mieux que vous sait que je n’ai rien fait. 

    Que diriez-vous à vos enfants lorsqu’ils vous demanderaient de quoi est mort Bertrand ZIBI ABEGHE? « Qui a tué ZIBI ? » 

    Vous m’avez dit que vous avez dix enfants, moi je vous ai dit en avoir quatorze. OLIGUI, autant tes enfants ont besoin de toi, autant les miens aussi ont besoin de leur père. Ton père est du Woleu-Ntem, comme moi, tu es donc un Moadzang. J’ai des enfants dans ton village, tu es donc aussi un Ngwala. Nous sommes tous des gabonais, fils d’une même nation.

    Au Général Jean-Germain EFFAYONG ONONG,

    Mon Général, vous êtes un de nos meilleurs policiers. Grâce à vous et à certains de vos collègues de l’époque, vous avez fait reculer le grand banditisme dans notre pays. Le Gabon reconnait en vous un grand policier. 

    C’est dans votre bureau, en votre présence que la discussion a eu lieu. Vous êtes le commandant en chef de la sécurité pénitentiaire à ce titre vous êtes le premier garant de ma sécurité et de mon intégrité physique. Ne permettez pas que mon sang coule à Gros Bouquet sous votre commandement. Votre rôle est de veiller au bien-être de tous les prisonniers. Ma vie ici en prison est entre vos mains.

    Au Lieutenant-Colonel NGOUSSI Télésphore,

    Monsieur le Directeur de la prison Centrale de Gros bouquet, depuis votre nomination à ce poste où je me trouve depuis six ans, je n’ai jamais eu un quelconque problème avec vous. Je respecte scrupuleusement votre règlement intérieur ; je ne fume pas, je ne bois pas, je ne me drogue pas, je n’ai jamais été pédé, je n’ai pas de téléphone, tels sont les objets de délits prohibés en milieu carcéral. Je respecte tous les matons. Je respecte votre autorité. Je suis même le doyen de la communauté catholique, l’une des plus importantes de la détention, j’en suis le président du comité des sages. Je vouvoie tous les matons, du moins gradé au plus gradé…

    Vous avez veillé sur moi depuis votre arrivée. Veillez à ce que je sorte vivant de cette prison à la fin de ma peine qui finit le 13 septembre 2022, s’il-vous-plaît. 

    C’est dans votre voiture, vous-même au volant, que nous sommes allés à la rencontre du Général OLIGUI. Je vous demande au nom de ma famille et de celui du peuple gabonais, de toujours veiller sur moi et tous les autres prisonniers comme vous l’avez toujours fait.

    À mon avocat Charles-Henry Gey,

    Maître, merci infiniment à toi-même et à tous tes confrères, qui m’avez défendu avec l’énergie du désespoir. En mon nom, tu es allé poursuivre les discussions à la Présidence de la République. Tu m’as fidèlement fait le compte rendu et je t’ai également fait part de ce que je pensais. Une fois de plus, merci pour ta disponibilité. Éternelle reconnaissance. 

    Aux magistrats gabonais,

    A vous les magistrats, procureurs et juges d’instruction Gabonais, vous qui m’avez instruit et jugé, vous savez au plus profond de vous-mêmes que mon dossier est complètement vide. Vous savez que toutes les accusations sont de pures inventions du pouvoir politique pour condamner un parfait innocent. Vous avez participé pour certains d’entre vous à la falsification, à la confection de fausses preuves contre un innocent. Vous m’avez volé six ans de ma vie. Plusieurs parmi vous ont reçu d’importantes sommes d’argent pour cette basse besogne. Ils ont construit de somptueuses villas, acheté de scintillantes voitures, etc. Avez-vous le sommeil dans ces villas acquises avec le sang d’un innocent ? Quand vous roulez dans ces voitures, pensez-vous à votre serment ?

    Pour ma part je ne vous en veux pas, je prie même pour vous et vos familles. Mais sachez simplement qu’il existe un Dieu vivant, il sait tout, il voit tout et seul lui un jour vous jugera pour cette forfaiture. Vous êtes en train de tuer ce pays. Le Gabon ressaisie toi. La haine est un trop lourd fardeau pour mes frêles épaules, je ne vous hait pas. J’ai de la compassion, de la pitié et de l’amour pour vous. Je vous exhorte à lire dans la bible le livre de Daniel (Dn 13), histoire de Suzanne et celui de 1R 21, 1-16. Tous les magistrats gabonais doivent absolument lire ces deux lectures. Lisez et méditez… 

    Du fond de ma cellule, j’apprends que certains d’entre vous, à ce moment précis, à l’heure où j’écris ces lignes, sont une fois de plus, en train de fabriquer de fausses accusations contre moi. Ils y travaillent avec beaucoup de zèle pour m’accuser et me condamner une seconde fois… On parle d’importantes sommes d’argent qui seraient en jeu. Pourquoi cet acharnement ? Pourquoi cette injustice ? N’ai-je pas déjà assez payé ? Pensez-vous à vos enfants et vos familles ? Savez-vous de quoi demain sera fait ? N’avez-vous pas la crainte de Dieu ? Pour ma part, l’Eternel est mon berger, il me conduit dans ses sentiers de la justice. A cause de son nom, quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal car il est avec moi, mon Seigneur Jésus-Christ.

    Aux Hommes politiques du Gabon,

    Hommes politiques de tout bord, ministres, opposants, sénateurs, députés, leaders d’opinion, société-civile et autres, par votre silence complice, vous avez acté ce qui m’arrive. Vous, tous sans exception, connaissez la réalité de ce qui se passe au Gabon. Vous savez tous que je n’ai rien fait.

    Dieu merci qu’il y’a parmi vous, quelques dignes fils de ce pays qui ont encore le courage de dénoncer ce qui se passe. 

    Plusieurs parmi vous ont leurs salaires coupés depuis 2009, mais vous restez debout, sachez que le Gabon éternel n’oubliera pas votre sacrifice. D’autres n’ont plus travaillé depuis plus de trente ans. Certains ont fui le pays et ne peuvent même plus venir enterrer les leurs décédés au pays. 

    Au Gabon tout le monde a peur. Quel pays peut-il être construit dans la peur? Peuple du Gabon, notre vivre ensemble est en danger. Le régime de terreur, où la force et la brutalité sont le seul choix qui nous est offert. Nous devons nous mobiliser pour reprendre nos vies, sortir de la peur, sans colère ni haine mais avec amour. 

    À la communauté internationale,

    Vous ne pouvez pas laisser un innocent mourir en prison sous le fallacieux prétexte de la non-ingérence dans les affaires d’un pays souverain.

    N’êtes-vous pas en train d’intervenir en Ukraine ? N’êtes-vous pas intervenu en Libye, en Irak et partout dans le monde où des dictateurs tuaient leurs peuples ? Est-ce que c’est quand je serai mort que vous viendrez condamner ce qui se passe sous vos yeux depuis 2016? Vous savez tous à travers le monde que je suis innocent. Ma famille et mon pays ont besoin de moi en vie. Vous devez mettre un terme à ma souffrance. Mon calvaire n’a que trop duré. 

    À ma mère AKELE OBOUNOU Marie-Claire,

    Maman, merci infiniment pour tout. Depuis mon arrestation, tu as presque arrêté de vivre. Tu as été sur tous les fronts de Paris à New-York en passant par des meetings au Trocadéro et ailleurs… 

    Merci infiniment pour cet amour que tu m’as couvert. Je ne sais pas si je sortirai vivant de cette épreuve qui semble se compliquer à trois mois de ma libération, mais sache que s’il m’arrivait quelque chose de terrible, si je mourrais ici en prison, sache que je t’aime de toutes mes forces. Tu es la meilleure des mamans.

    À mes adorables enfants,

    A vous mes enfants que j’aime plus que tout au monde. Au moment où je vous écris ces lignes mon sort est totalement incertain. En effet, voilà aujourd’hui six ans que je n’ai pas vu plusieurs d’entre vous, je ne suis même plus sûre de vous revoir…

    Mon cœur saigne…

    Je vous prie de vous aimer entre vous et de toujours avoir la crainte de Dieu, notre sauveur. Cultivez les valeurs d’honnêteté, de dignité, de respect de l’être humain, d’intégrité et de partage. Que les plus forts soutiennent les plus faibles. 

    A toi ma fiancée,

    Merci infiniment pour tout le soutien que tu m’as apporté durant cette terrible épreuve. Notre projet de mariage a été totalement bouleversé. Projet retardé de six longues années. Si je ne sors pas vivant de cette épreuve, je te prie de trouver quelqu’un d’autre qui pourra t’aimer, te chérir et te rendre heureuse. L’Homme propose et Dieu dispose. Veille sur toi-même et tous mes enfants, même ceux dont tu n’es pas la mère.

    À la diaspora gabonaise,

    A vous la diaspora GABOMA, vous êtes la plus grande diaspora du monde, pas en nombre, mais en qualité. Vous avez été mobilisée pour ma cause et celle de tout le pays depuis 2016. De tout mon être je vous dis merci. 

    Mon cœur est triste, vraiment triste parce que je ne reverrai plus jamais certains d’entre vous, qui avez été mes défenseurs les plus acharnés ; je pense particulièrement à maître Fabien MERE. Une fois de plus merci pour tout. Je vous prie de continuer à vous battre partout pour moi. Où que vous soyez à travers la planète, vous êtes nos étoiles, l’espoir de notre pays le Gabon. Ne m’oubliez pas. Soyez toujours les dignes fils de notre cher pays le Gabon.

    Au peuple gabonais,

    Peuple vivant et debout du Gabon, vous m’avez apporté tout votre soutien depuis mon incarcération. 

    Vous avez organisé pour moi des messes dans des églises, des prières dans des mosquées, des veillées dans nos différents Mbandjas. Recevez toute ma gratitude. J’ai encore en esprit votre déplacement massif au tribunal. Sur internet vous êtes nombreux à faire parler de moi… Vraiment merci. Mille mercis. 

    Toute ma vie, je me suis efforcé à défendre vos intérêts, souvent au péril de ma vie. Je pense que c’est la seule chose à faire. Nous sommes un pays extrêmement riche avec une population d’à peine deux millions d’habitants. Chaque gabonais devait avoir ne serait-ce qu’une maison… Hélas, regardez comment nous vivons… C’est terrible… C’est pour avoir dénoncé cet état de chose que je suis au bord de la mort. Sachez que je suis vert, jaune, bleu. Je suis gaboma et comme le disait le père de l’indépendance de notre pays Feu président Léon Mba: “Gabon d’abord”. 

    Aucune dictature n’est éternelle. Un jour le Gabon sera libre.

    Excellence Monsieur le Président, ma lettre a été longue, c’est simplement parce que c’est peut-être ma dernière, avant ma mort programmée.

    Monsieur le Président de la République, je voudrai juste vous demander un dernier service, j’implore votre indulgence, si je meurs ici en détention, permettez à ma famille et au peuple Gabonais de récupérer mon cadavre et d’aller m’enterrer à BOUTH-ENGASSE par Minvoul, mon village natal auprès de mes ancêtres et de mon défunt père ABEGHE ZIBI Gaston. 

    Pour ma part, comme nous l’enseigne le Christ, « Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent. » (Matthieu 5.44), moi, Bertrand ZIBI ABEGHE, je vous garde dans toutes mes prières. Je prie notre Seigneur Jésus-Christ, afin qu’il vous rétablisse totalement ; vos enfants, votre épouse et toute votre famille ont besoin que vous soyez en bonne santé. Je suis sans rancune, sans haine (un fardeau trop lourd à porter pour moi). Je suis plein d’amour, plein de miséricorde, de compassion. Je prie un Dieu juste. 

    Ma prière de tous les soirs au fond de ma cellule est l’acte de résignation à la volonté de Dieu (accordée par le pape Pie X) : « Mon Seigneur et mon Dieu, dès maintenant j’accepte, d’un cœur soumis et volontiers le genre de mort qu’il vous plaira de m’envoyer, avec toutes ses angoisses et ses douleurs ». 

    Du fond de ma cellule, j’attends la suite, ma libération le 13 septembre 2022, un nouveau mandat de dépôt pour me maintenir en prison ou encore ma mort. Que Dieu vous bénisse, que notre Seigneur Jésus-Christ veille éternellement sur le Gabon et que la vierge Marie apaise nos cœurs.

    Bertrand ZIBI ABEGHE, citoyen gabonais-américain, prisonnier politique, Moane ESSABDANG YA BOUTH-ENGASSE, Moane Ngoane ESSABOAK YA MOMO.  Affectueusement appelé le GNAMORO, l’IVOUNDA, le NDJIM, le NDOMBAB, l’OKOULOU, le DJADJI, le NDOSS, le NKOUKOUMA, le “répé”, DIBAI, l’AS DES AS, ZAMBE ».

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