Le vent de recomposition bancaire qui souffle sur le Cameroun pourrait offrir à Henri-Claude Oyima un nouveau coup d’éclat stratégique. Alors que l’État camerounais s’est arrogé 83,68% du capital de Société Générale Cameroun, BGFIBank est en embuscade pour prendre le relais et repositionner la banque sur une trajectoire continentale. L’homme d’affaires gabonais, connu pour ses acquisitions chirurgicales dans la sous-région, s’est déjà emparé de la filiale congolaise de la même banque : un précédent qui parle de lui-même.
Ce deal potentiel n’est pas qu’un rachat classique : c’est une guerre d’influence dans la finance africaine francophone. Face à Zenith Bank et NSIA Banque, deux mastodontes nigérian et ivoirien, BGFIBank met en avant son ADN régional, son expertise du marché et surtout sa proximité géographique et diplomatique avec le pouvoir camerounais. Ce rachat, s’il est confirmé, renforcerait considérablement sa couverture en Afrique centrale, lui donnant le levier nécessaire pour s’imposer face aux banques marocaines et françaises.
La manœuvre de Yaoundé, qui s’est offerte la majorité de la banque avant de la proposer à des partenaires stratégiques, s’apparente à une privatisation maîtrisée. Le ministre camerounais des Finances, Louis-Paul Motazé, reste prudent mais laisse entendre que toutes les options sont ouvertes, sur instruction directe du président Biya. C’est un jeu à trois bandes, entre patriotisme économique, stratégie d’État et ambitions privées. À ce niveau, chaque mot compte, chaque geste est décrypté.
En interne, BGFIBank prépare une transformation agile. La Banque veut réduire les doublons, digitaliser l’offre, renforcer la gouvernance. Des audits préparatoires seraient déjà en cours. Pour Oyima, ce ne serait pas seulement un rachat : ce serait un message fort envoyé aux marchés, à la BEAC, et à ses concurrents, que la domination bancaire francophone passe par Libreville. Une manière de revendiquer un leadership plus assumé dans une zone CEMAC en quête d’intégration financière.
Si BGFIBank remporte cette bataille, ce serait bien plus qu’un changement de nom sur les façades. Ce serait l’émergence d’un pôle bancaire centré sur l’Afrique centrale, capable de peser sur les grandes orientations monétaires régionales. Pour Libreville, ce serait aussi une victoire politique et symbolique : celle d’un champion local qui met la main sur un ex-joyau de la finance française, en terre camerounaise.