À peine nommée cheffe de la communication présidentielle, Patricia Lydie Mouele est déjà confrontée à une séquence politique sensible. En l’espace de quelques jours, l’actualité gabonaise a été marquée par des décisions aux lourdes implications : le départ en catimini et nuitamment de la famille Bongo pour l’Angola, la perte territoriale de l’île Mbanié au profit de la Guinée équatoriale, et la polémique autour de la double casquette d’Henri-Claude Oyima, à la fois ministre de l’Économie et président de BGFIBank.
L’exil en catimini d’Ali Bongo et sa famille
L’ancien président Ali Bongo Ondimba, son épouse Sylvia Valentin et leur fils Noureddin Bongo Valentin ont quitté Libreville le 16 mai 2025 à destination de Luanda, en Angola. Cette sortie s’est faite dans la discrétion, après plusieurs mois de détention préventive pour Sylvia et Noureddin, poursuivis pour détournements de fonds publics, corruption et blanchiment d’argent. Le départ de la famille, fruit d’une médiation diplomatique pilotée par l’Union africaine, vise selon les autorités à apaiser les tensions et à tourner une page. Mais sur le fond, cette évacuation soulève de nombreuses interrogations dans l’opinion : les procédures judiciaires seront-elles poursuivies ? Quelles garanties ont été données en échange ? La Présidence gabonaise ne s’est pas encore prononcée sur le sujet.
La perte de l’île Mbanié
Quelques jours après cet épisode, un autre événement est venu heurter la conscience nationale : la décision de la Cour internationale de justice, rendue le 19 mai, qui attribue définitivement l’île Mbanié à la Guinée équatoriale. Ce différend, vieux de plus de trois décennies, portait sur un territoire maritime stratégique à fort potentiel pétrolier. C’est un revers géopolitique majeur pour le Gabon, qui revendiquait cette île au nom de l’héritage colonial et de sa position géographique. L’opinion publique y voit une perte de souveraineté mais aussi l’illustration d’un État affaibli, peu préparé à défendre ses intérêts vitaux devant les juridictions internationales. Le silence institutionnel qui a suivi la décision a accentué le malaise, tandis que des voix s’élèvent pour demander des comptes aux gouvernements successifs.
Le potentiel « conflit d’intérêts » d’Oyima
Dans ce climat déjà tendu, la nomination d’Henri-Claude Oyima comme ministre d’État, chargé de l’Économie et des Finances, a suscité une vive polémique. Principal dirigeant de BGFIBank, il n’a pas démissionné de ses fonctions à la tête de l’établissement bancaire, créant une situation de conflit d’intérêts manifeste. Ce choix a choqué jusqu’au sein de la majorité. L’ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie By Nze, interrogé par RFI, a ironisé : « L’État gabonais attendra, BGFIBank est prioritaire », soulignant à sa manière l’anomalie. Cette double casquette est en contradiction flagrante avec les principes de transparence défendus par la CEMAC, les règles de gouvernance de l’OHADA, et les attentes des citoyens en matière de moralisation de la vie publique. Elle brouille également la lisibilité des politiques économiques à venir, en pleine période de redéfinition stratégique post-transition.
Un déjeuner de presse pour instaurer le dialogue avec la presse
C’est donc dans ce contexte explosif que Patricia Lydie Mouele tente de poser les bases d’une nouvelle approche communicationnelle, fondée sur la transparence, la confiance avec les médias et la cohésion institutionnelle. Son déjeuner de presse du 20 mai, organisé à Libreville, visait à instaurer un dialogue professionnel et régulier avec certains journalistes. « Ce moment marque le début d’un dialogue que nous espérons régulier, professionnel et fructueux », a-t-elle indiqué à ses anciens confrères.
L’ancienne présentatrice vedette de la télévision publique Gabon 1ère a insisté sur la nécessité d’un traitement rigoureux et crédible de l’information présidentielle. Mais face à la densité de l’actualité, à la succession des polémiques et à une opinion de plus en plus exigeante, les “premiers couacs” de la nouvelle gouvernance apparaissent comme des tests majeurs de sa capacité à redonner sens et cohérence à une parole de l’État déjà trop brouillée par le laxisme de l’équipe précédente.








