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EM Gabon-Université : 30% de réduction pour les enfants du «régime», les autres peuvent repasser 

le coup de coeur

Il fallait oser. Dans un pays où l’université publique croule sous les grèves, les retards de bourses et l’exode des cerveaux, EM Gabon-Université, établissement privé hautement sélectif, a trouvé le moyen de creuser davantage le fossé social : une réduction de 30% sur les frais de scolarité… mais exclusivement pour les enfants de la Présidence et des Forces de Défense et de Sécurité. Un écart symbolique qui inquiète. Cette stratégie, présentée comme un « hommage aux héros du 30 août 2023 », sonne surtout comme un bonus pour ceux qui sont déjà les grands gagnants de l’après-coup d’État. Nulle part ailleurs au monde on ne trouve une telle formule : récompenser une caste militaro-présidentielle.

Ce n’est pas une politique sociale, c’est une politique de caste. L’éducation est censée être l’un des derniers bastions d’équité, le levier de l’égalité des chances. Ici, elle devient un club privé où le passeport d’entrée n’est ni l’intelligence, ni la méritocratie, mais l’appartenance à un cercle de pouvoir. À contre-courant de toute logique républicaine, EM Gabon-Université sanctuarise l’élite militaire et politique, transformant une mesure d’accessibilité apparente en privilège réservé à ceux qui ont déjà tout. Le plus ironique ? Ceux qu’on gratifie sont aussi ceux qui perçoivent les soldes les plus élevés de la fonction publique, les primes les plus opaques, les affectations les plus juteuses.

Mais au-delà du favoritisme, cette décision traduit une vision perverse de la société gabonaise. Servir l’État donne droit à des passe-droits éducatifs. À aucun moment, l’université ne mentionne les enfants d’agents hospitaliers, de professeurs des lycées, de femmes de ménage, de petits fonctionnaires, de commerçants. Pas un mot non plus pour les bacheliers brillants mais pauvres, qui, faute de soutien, échouent à concrétiser leur rêve d’études supérieures. Le silence est total. La sélection ne se fait pas sur le mérite académique, mais sur le rang institutionnel du parent. Une dérive aussi brutale que cynique.

D’ailleurs, les internautes ne comprennent pas un tel choix. Pour « Ami du peuple », « On diminue la scolarité pour ceux qui sont financièrement stables et le reste on les dépouille jusqu’au dernier centime. Félicitations pour cette politique irraisonnable ». Un autre internaute, Samuel Kombila y voit un mauvais choix. « C’est pas croyable au lieu de faire un vrai recensement pour ceux là qui ont des difficultés à solder leur scolarité… vous préférez faire ce genre de privilèges à des personnes qui répondent bien financièrement… les stages on les cherche toujours. Bravo ! vous ne cesserez jamais de nous impressionner », a-t-il déclaré sous la publication de l’école.

On pourrait croire à une initiative ponctuelle, mais elle en dit long sur la nouvelle morale de l’éducation gabonaise, ou le savoir est un privilège pour les soutiens du régime, et non comme droit pour les citoyens. C’est là que le bât blesse. Ce n’est plus une université, mais un outil de fidélisation politique. Le Professeur Idiata, qui préside cette institution et conseille le Président, ne fait pas ici une réforme pédagogique, mais un acte de loyauté politique drapé dans des habits universitaires. On n’investit pas dans le potentiel d’un peuple, on récompense ses propres gardes du corps.

Dans ces conditions, quel avenir veut-on bâtir avec une telle conception de l’enseignement supérieur ? Une société de savoirs partagés ou une république de privilèges ? EM Gabon-Université avait l’occasion de montrer l’exemple, d’ouvrir ses portes aux laissés-pour-compte de l’école gabonaise. Elle a préféré verrouiller l’ascenseur social et confier la clé à ceux qui gardent déjà toutes les portes. Dans ce Gabon-là, même le mérite doit avoir un uniforme ou un badge pour exister.

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