Le chiffre a surpris autant qu’il inquiète : le ministre de l’Économie et des Finances, Henri-Claude Oyima, a annoncé il y a quelques jours que le Gabon pouvait soutenir une capacité d’endettement de 3000 milliards de fcfa par an, dans le cadre du Plan national de croissance et de développement (PNCD). Cette affirmation, censée traduire l’ambition du pays d’atteindre une croissance annuelle de 10% d’ici 2030, soulève toutefois des interrogations sur la soutenabilité de la dette et la qualité de l’investissement public dans un contexte de pression budgétaire et de volatilité financière mondiale.
Si l’investissement massif est une option légitime pour relancer l’économie, le recours systématique à l’endettement extérieur et intérieur comporte de sérieuses limites. Une dette publique qui croît plus vite que le PIB finit inévitablement par peser sur la confiance des bailleurs, sur la notation souveraine du pays, et in fine, sur la capacité à emprunter à des taux favorables.
Le taux marginal de prêt auprès des partenaires comme la Banque mondiale tourne autour de 6%, un seuil élevé dans un contexte d’inflation importée et de pression sur les taux directeurs. À ce rythme, le Gabon pourrait être contraint de consacrer une part toujours plus importante de ses recettes au service de la dette.
Le vrai danger ne réside pas uniquement dans le montant de l’endettement mais dans le rendement des projets financés. Si les infrastructures financées n’entraînent pas une hausse de la productivité ou une création durable de richesses, la dette devient un poids mort. Or, les expériences passées avec le PSGE, le PRE ou le PAT, ont montré que les plans les plus ambitieux peuvent s’échouer sur les récifs de la mauvaise planification, du surcoût des marchés et de la faible exécution des projets. Ce n’est donc pas la dette en elle-même qui inquiète, mais ce qu’on en fait.
Henri-Claude Oyima semble miser sur une croissance auto-entretenue, dopée par la dépense publique et soutenue par les infrastructures. Mais cette équation suppose un environnement d’exécution irréprochable, une gouvernance exemplaire et une planification réaliste. Ce sont précisément ces maillons qui ont souvent cédé sous les plans précédents. En l’absence de réformes fiscales profondes et de discipline budgétaire, la tentation de l’endettement pourrait se transformer en addiction.
Si la dynamique enclenchée ne s’accompagne pas d’une hausse parallèle des recettes fiscales et de l’efficacité publique, le Gabon pourrait connaître un nouvel épisode de surendettement d’ici 2030. L’enjeu n’est pas d’emprunter, mais de justifier l’emprunt par des résultats tangibles. Or, pour l’instant, le plan ne garantit pas que chaque franc investi rapportera plus qu’il ne coûte.