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Éthique journalistique au Gabon : entre vérité, devoir et sécurité

le coup de coeur

Ferdinand DEMBA
Ferdinand DEMBAhttp://www.insidenews241.com
Passionné de lettres et désormais de chiffres, FD est le directeur de publication d’Inside News241. Journaliste de métier et de convictions, lui et son équipe sont au service d’une information objective, d’utilité publique et au service de la vérité.

Dans un contexte gabonais marqué par l’inaccessibilité fréquente d’une information précise et de qualité, les rédactions affrontent quotidiennement un dilemme déontologique : publier tout ce qu’elles savent ou garder des silences responsables. Informer, c’est choisir ; choisir les mots, les révélations, les priorités. Un média ne peut pas tout dire, surtout lorsque l’information est sensible et touche à la sécurité intérieure ou aux valeurs fondamentales de la République. Choisir, c’est aussi mesurer les conséquences sur des vies, des institutions, et l’intérêt national.

La protection des sources, un impératif moral et professionnel

La protection d’un informateur n’est pas seulement une clause de confort professionnel : c’est une obligation éthique qui fonde la confiance entre citoyens et journalistes. Comme l’a rappelé le grand reporter américain Seymour Hersh, la confiance entre journaliste et source est essentielle à la vérité. Au Gabon, où dénoncer peut exposer à des risques considérables, ce principe prend une dimension vitale. Révéler l’identité d’une source parce que l’on veut compléter un scoop ou l’exiger sous sous le couvert de la loi, c’est trahir la mission première du journalisme.

Déontologie et intérêt national, quand la retenue devient devoir

La déontologie impose au journaliste de peser l’intérêt public d’une information contre ses effets potentiels. Dans certains cas, la divulgation complète peut compromettre la sécurité intérieure, nourrir la discorde ou fragiliser des institutions essentielles. Le journaliste David Barstow a résumé la complexité du choix éditorial dans ses enquêtes exposant des fautes graves, montrant que publier implique aussi de protéger certaines informations. Au Gabon, défendre le pays peut signifier s’abstenir de publier des détails qui mettraient en péril la stabilité ou violeraient des droits fondamentaux. Cette retenue ne doit pas être confondue avec la censure ; elle relève d’un jugement professionnel éclairé.

Qualité versus rapidité, lutter contre l’information incomplète

L’absence de sources fiables et la pression de l’instantanéité favorisent la circulation d’informations partielles. Diffuser des éléments incomplets peut désinformer et nuire à la crédibilité du média. La responsabilité éditoriale exige des vérifications rigoureuses, la contextualisation des faits et l’avertissement clair au public lorsque l’information est incomplète. Pour paraphraser la journaliste Katherine Boo, dont le travail d’investigation a été récompensé par un Pulitzer, la précipitation pour être le premier ne doit jamais primer sur la rigueur pour être juste. Dans un environnement où l’accès aux données est limité par une opacité entretenue, la transparence sur les incertitudes devient une marque de sérieux.

Transparence, corrections et reddition de comptes

La protection de l’intérêt public passe par la transparence sur les méthodes et les limites de l’enquête. Admettre une erreur, corriger rapidement et expliquer les choix rédactionnels renforce la confiance. Les médias gabonais gagneraient à instaurer des lignes éditoriales claires sur la gestion des informations sensibles : critères de publication, procédures de vérification, règles de protection des sources et protocoles en cas de risques avérés pour la sécurité nationale.

L’éthique comme rempart contre les manipulations

Dans un paysage médiatique où rumeurs et manipulations peuvent se propager vite à l’ère des réseaux sociaux, l’éthique professionnelle est un rempart. Les journalistes doivent résister aux pressions politiques, économiques et sociales et préserver l’indépendance rédactionnelle. Défendre la nation ne signifie pas instrumentaliser l’information ; au contraire, c’est expliquer, contextualiser et protéger ce qui doit l’être pour l’intérêt collectif.

Former et soutenir les journalistes locaux

La responsabilité éthique s’appuie sur des compétences solides. Former les journalistes gabonais aux normes internationales de déontologie, à la sécurité des sources, au traitement des informations sensibles et à la vérification factuelle est indispensable. D’ailleurs, des organisations  de la corporation comme le Réseau national des journalistes indépendants (RENAJI), en ont fait leurs chevaux de bataille. Offrir des protections juridiques et psychosociales aux journalistes, ainsi qu’un cadre éthique partagé, renforcera la résilience des médias face aux défis locaux.

Entre courage et retenue, le vrai métier du journaliste

Être journaliste, c’est exercer un métier de choix et de responsabilité. Protéger une source, ne pas tout dire, préserver la sécurité nationale, corriger ses erreurs et expliquer ses limites : tout cela fait partie d’un même engagement au service du public et de la nation. Comme l’avait si bien rappelé Norbert Zongo dans son combat pour la vérité et la dignité journalistique, la quête d’information doit toujours se conjuguer avec le sens du devoir et de l’éthique. Dans le contexte gabonais, où l’information de qualité reste souvent inaccessible, les médias doivent assumer la tension entre transparence et retenue ; non par lâcheté, mais par sens des responsabilités.

Ferdinand Demba

Directeur de publication du média Inside News241

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