Depuis quelques heures, un document estampillé GabPêche circule sur les réseaux sociaux, révélant les salaires de la direction et du personnel de cette entreprise du secteur halieutique. Ce tableau, intitulé « Structure organisationnelle validée », dévoile une masse salariale mensuelle de 16,5 millions de fcfa pour 28 employés, dont 2 millions fcfa pour le Directeur Général et jusqu’à 1,4 million fcfa pour certains cadres. Des chiffres qui provoquent de vives réactions dans un contexte où le gouvernement appelle à la sobriété et à la discipline budgétaire.
Alors que le pays sort difficilement d’années de déséquilibres financiers, la publication de tels montants sonne comme une dissonance. Le gouvernement et notamment le ministre de l’Économie a récemment annoncé la suppression des dettes antérieures à 2023, une mesure censée assainir les comptes publics et rompre avec les excès du passé. Mais cette révélation sur GabPêche vient troubler ce discours de rigueur, en ravivant le sentiment d’un double standard entre les dirigeants d’entreprises publiques et les citoyens ordinaires.
La question de fond dépasse la simple polémique salariale, il s’agit surtout de la gouvernance des structures à capitaux publics. Comment une société issue d’un secteur stratégique, et potentiellement soutenue par des fonds étatiques, peut-elle justifier de tels émoluments sans transparence sur sa rentabilité, ses performances ou sa contribution réelle à l’économie nationale ? Dans un environnement économique où le revenu médian reste inférieur à 150000 fcfa par mois, de tels chiffres ne peuvent qu’interroger sur l’équité et la cohérence des politiques publiques.
Face à la circulation de ce document, le gouvernement est désormais interpellé. Si ces salaires sont avérés, il lui reviendra d’en expliquer la légitimité. S’agit-il d’un modèle de rémunération fondé sur la performance, ou d’un héritage de pratiques opaques et clientélistes ? Une communication claire et documentée serait nécessaire pour restaurer la confiance et prouver que la réforme annoncée ne s’arrête pas aux mots.
Au-delà du cas GabPêche, c’est toute la crédibilité du discours de transition et post transition qui est en jeu. Dans un pays où les inégalités demeurent profondes, chaque révélation de ce type devient un test de cohérence pour les autorités. Le redressement du Gabon ne se mesurera pas seulement à l’effacement des dettes passées, mais aussi à la capacité de l’État à instaurer une vraie culture de responsabilité et de transparence dans la gestion des entreprises publiques.