Brice Clotaire Oligui Nguema, chef de la transition depuis le coup d’État du 30 août 2023, s’est officiellement lancé dans la course à la présidentielle du 12 avril 2025. Lors de son discours, il a affirmé : « J’ai entendu vos appels, je vous ai écoutés et croyez-moi, je vous ai compris. » Une référence assumée au général De Gaulle, qui, en 1958, marquait son retour au pouvoir. Ce choix rhétorique, couplé à son positionnement en bâtisseur d’un « Gabon qui renaît de ses cendres », ne doit rien au hasard. Il s’inscrit dans une communication soignée, où chaque symbole est pesé pour asseoir son image de leader providentiel. Or, cette mise en scène s’accompagne d’une hausse spectaculaire des dépenses à caractère politique, qui bondissent à 78,9 milliards de fcfa, en augmentation de 1 215% par rapport aux 6 milliards de 2024 et près de 15 fois le budget de 5,3 milliards en 2023.
Ce montant interpelle d’autant plus lorsqu’on le met en perspective avec d’autres postes budgétaires. À titre de comparaison, les crédits alloués à l’éducation progressent de seulement 7%, atteignant 152 milliards en 2025 contre 142,1 milliards en 2024, alors même que des milliers d’élèves et d’étudiants manquent d’infrastructures et de matériel pédagogique. Le budget de la santé n’augmente que de 6,2%, passant de 92,8 à 98,5 milliards, dans un pays où les hôpitaux souffrent de sous-équipement chronique.
À lui seul, le budget politique de 2025 représente donc 80% des dépenses annuelles de la santé publique et plus de la moitié du budget alloué aux infrastructures (147 milliards en 2025). Cette disproportion soulève une question : dans un contexte économique tendu, est-il prioritaire d’augmenter si massivement les dépenses politiques ?
Officiellement, ces crédits couvrent le fonctionnement des institutions de la transition et divers frais administratifs. Mais leur ventilation reste floue, à l’image des 27 milliards dépensés pour le référendum constitutionnel du 16 novembre 2024. Ce scrutin, censé consacrer un nouvel ordre démocratique, avait surtout été l’occasion d’une vaste campagne de communication mettant en avant la figure d’Oligui Nguema. Spots télévisés, affiches, mobilisations médiatiques : tout avait contribué à le présenter comme l’homme du renouveau.
Avec 78,9 milliards désormais dédiés à des dépenses politiques en 2025, le même schéma semble se reproduire. À titre de comparaison, le Sénégal consacre environ 62 milliards aux dépenses politiques, soit 0,9 % de son budget national, contre 2,6 % pour le Gabon.
Depuis son arrivée au pouvoir, le général Oligui Nguema a multiplié les gestes symboliques pour se poser en rénovateur du pays. Lors de sa prestation de serment, il invoquait la volonté divine, affirmant que « Dieu a conduit nos pas jusqu’ici », tandis que la citation de Jerry Rawlings justifiait son coup d’État comme une mission libératrice. À cela s’ajoute une politique de grands travaux : relance des infrastructures, rachat d’Assala et de la SNBG, programme « Un Gabonais, un taxi », autant d’actions mises en avant pour incarner la rupture avec le régime Bongo. Mais derrière ces annonces, la concentration des pouvoirs, le verrouillage du calendrier électoral et surtout cette hausse vertigineuse des dépenses politiques viennent brouiller le message.
Surtout, ces 78,9 milliards ne sont pas un cas isolé. En 18 mois, le pouvoir aura dépensé au total 112 milliards de fcfa pour des initiatives strictement politiques : 27 milliards pour le référendum constitutionnel, 6 milliards pour le dialogue national inclusif, et maintenant 78,9 milliards pour les dépenses politiques en 2025. Un montant colossal, bien supérieur aux budgets annuels de certains ministères clés, qui pose une question de fond : cette manne budgétaire sert-elle uniquement au fonctionnement des institutions de la transition, ou bien finance-t-elle une campagne présidentielle aux frais de l’État ?