Depuis 2023, la transition gabonaise a lancé un nombre remarquable de projets structurants couvrant plusieurs secteurs : hydraulique, logistique, routes, bâtiments publics ou énergie. Le port fluvial de Ndjolé, annoncé en juin 2024, est emblématique de cette ambition, mais il s’inscrit désormais dans un panorama beaucoup plus vaste qui interroge la capacité du gouvernement à traduire les annonces en une réalisation concrète.
Outre Ndjolé, figurent dans l’agenda national le programme hydroélectrique de Ngoulmendjim (82 MW, budget de 180 milliards de fcfa, ouverture prévue en 2028) et le projet Kinguélé Aval sur le Mbei (35 MW, plus de 120 milliards de fcfa), deux infrastructures énergétiques associant des financements internationaux et des partenariats public‑privé. Ces projets suivent l’esprit du Programme d’Investissement Public 2024‑2026 désormais remis en cause, et qui visait à réaliser 293 projets pour un total de 4536 milliards fcfa.
Dans ce contexte, le cadrage budgétaire de 2025 prévoit une mobilisation de 190,5 milliards de fcfa via des prêts projets, dont 120 milliards de fcfa (63 %) consacrés aux infrastructures, dont seulement 4,2% à la modernisation des transports. La dominance revient aux routes (36,9%) et aux BTP (22,1%). Or, dans cette répartition, la place du port de Ndjolé ou des projets hydroélectriques reste floue : leur financement semble dispersé dans plusieurs rubriques (logistique, énergie, transports), sans ligne dédiée identifiable dans le projet de loi de finances 2025.
Cette dispersion soulève deux questions. La première est celle de la priorisation des projets dans un contexte de dette publique élevée (environ 72,5% du PIB), où la Banque mondiale appelle à davantage de ciblage et d’efficacité de l’exécution budgétaire. La deuxième, celle de la transparence : ni le port de Ndjolé, ni Kinguélé Aval, ni Ngoulmendjim ne bénéficient de rapports publics consolidés, audités ou accessibles au Parlement.
Malgré des lancements médiatisés avec pose de la première pierre de Ndjolé (juin 2024), visites ministérielles (mai 2025), montants budgétés dans le PIP, l’absence de suivi consolidé (technique/financier) affaiblit le dispositif institutionnel. Le CTRI avait identifié dès la transition une vingtaine de projets prioritaires pour un montant global de 220 milliards de fcfa, dont 30 projets d’infrastructures sur 320 recensés jusqu’en 2026, pour un budget de seulement 41,9 milliards fcfa.
Le décalage entre vision et exécution devient palpable. Alors que les infrastructures énergétiques progressent lentement, le transport fluvial à Ndjolé patine, dans le vide d’un calendrier clair ou d’une ligne budgétaire spécifique. Si l’on additionne les dépenses budgétées en routes, bâtiments, énergie et transports, une grande partie du financement est captée par des programmes plus visibles (routes, construction, éducation). Les projets logistiques comme Ndjolé restent marginalisés dans les documents financiers.