Sous une pluie battante ce lundi 3 mars, drapeau à bout de bras, le général Brice Oligui Nguema s’est adressé à la foule lundi en annonçant sa candidature à l’élection présidentielle du 12 avril. « Ma vision est celle d’un Gabon qui renaît de ses cendres », a-t-il lancé, se présentant en bâtisseur du pays. Dans ce discours empreint de symbolisme, une phrase a particulièrement retenu l’attention : « J’ai entendu vos appels, je vous ai écoutés et croyez-moi, je vous ai compris. » Un écho évident à la déclaration du général De Gaulle en 1958, alors qu’il revenait au pouvoir en pleine crise algérienne.
Ces derniers jours, une série d’événements ont émaillé la vie publique pour faire écho à cette déclaration d’Oligui Nguema : grand rassemblement militaire au stade de l’amitié, cérémonie religieuse au Palais des Sports avec libération de colombes et appels à la ferveur populaire. Une « mise en scène » pour certains comme nos confrères du journal La Croix, destinée à affirmer la popularité du désormais Général-Candidat. Mais, loin d’être un simple hommage au passé, cette « mise en scène » s’inscrit dans une stratégie de légitimation, pour un homme qui avait promis un retour des civils aux affaires.

Or, un nouveau code électoral, adopté en janvier par une assemblée de transition, permet désormais aux militaires de briguer la magistrature suprême. Pour se conformer aux règles qu’il a lui-même fait établir, Oligui devra se mettre en « mise à disposition » de l’armée avant de candidater officiellement. En cas de défaite, il retrouvera son poste. En cas de victoire, il abandonnera son uniforme. Mais derrière ces ajustements réglementaires, c’est bien une continuité du régime militaire qui se dessine.
L’activité institutionnelle s’est d’ailleurs intensifiée à l’approche de la présidentielle, multipliant les annonces et décisions spectaculaires. Raccordement de deux centrales électriques flottantes à Libreville, promesse de paiement partiel des arriérés des enseignants, relance de projets d’infrastructure… Autant d’initiatives mises en avant par la communication officielle pour démontrer l’efficacité du régime de transition. De l’homme du moment. Dans le même temps, le retour de la Bourse secondaire, la distribution de sept milliards de fcfa dans chaque province et d’importantes dépenses extra-budgétaires posent la question d’une gouvernance en apparence active mais sans cadre véritablement structurant.
Alors que le FMI s’inquiète d’une dette publique dépassant les 70% du PIB, ces mesures s’apparentent davantage à une gestion populiste qu’à un plan économique cohérent. La mise en avant d’actions immédiates contraste avec l’absence de vision à long terme. Si la transition se voulait une rupture avec les 55 années de pouvoir de la famille Bongo, l’accumulation de décisions sans cadre prévisible rappelle plutôt une administration naviguant à vue. Cette imprévisibilité, loin de rassurer, interroge sur la capacité à conduire une politique de redressement solide et structurée.
De Gaulle qu’il paraphrase, avait su incarner un projet politique clair et une capacité à structurer l’avenir de la France. En paraphrasant ses mots, Oligui Nguema cherche à endosser un costume taillé pour les grandes figures de l’histoire. Mais au-delà des symboles et des déclarations, le chantier qu’il se propose de bâtir repose sur des fondations encore floues, avec le soutien des pontes de l’ancien régime qu’il est censé avoir renversé. Entre gestuelle militaire, références historiques et mise en scène religieuse, il laisse transparaître une quête de légitimité qui, pour l’instant, peine à s’appuyer sur une vision claire et planifiée du Gabon de demain.