Au Gabon, la corruption policière ne se limite plus à une question morale ou institutionnelle. Désormais elle agit comme une véritable ponction économique. Afrobarometer révèle que « 22% des citoyens ont payé des pots-de-vin à la police au cours de l’année écoulée », une proportion qui illustre l’ampleur d’un phénomène transformé en norme. Ces pratiques constituent un impôt parallèle, imposé sans légitimité, qui frappe autant les ménages que les opérateurs économiques. En réalité, chaque interaction avec la police devient un risque de taxation supplémentaire, réduisant le pouvoir d’achat des foyers et la rentabilité des entreprises.
Les chiffres sont accablants. « 51% des citoyens ayant sollicité l’aide de la police déclarent avoir dû verser un pot-de-vin » et « 35% des personnes confrontées à des contrôles routiers affirment avoir payé pour éviter des problèmes ». Ces pourcentages révèlent un mécanisme systémique. Pour un commerçant transportant ses marchandises, ou pour un taxi collectif reliant les quartiers périphériques aux centres urbains, les pots-de-vin deviennent un coût de fonctionnement récurrent. Résultat? Le prix des biens et services augmente, car ces frais informels finissent intégrés dans les coûts de production et de distribution. Parafiscalité.
Au-delà des pertes immédiates, la corruption policière mine la compétitivité du tissu économique. Les petites et moyennes entreprises, souvent fragiles, voient leurs marges déjà étroites absorbées par ces paiements illégitimes. Dans un marché où la concurrence est rude et où les consommateurs sont sensibles au prix, cette charge informelle réduit leur capacité d’expansion. Pour les investisseurs, locaux comme étrangers, ces pratiques renvoient l’image d’un environnement instable et arbitraire. L’insécurité juridique et l’absence de garanties face à la corruption policière se traduisent par une prime de risque plus élevée et, souvent, par un désengagement.
Ce cercle vicieux s’étend également aux inégalités sociales. Dans un pays où la pauvreté vécue est déjà élevée, Afrobarometer note que « 72% des personnes les plus pauvres considèrent que la plupart ou tous les policiers sont corrompus », contre 63% parmi les plus aisés. Cette perception confirme que les populations défavorisées, plus exposées aux contrôles arbitraires, paient un prix disproportionné. La corruption devient alors un facteur aggravant de pauvreté, enfermant les plus vulnérables dans un cycle d’insécurité économique et sociale.
Tant que la police restera associée à cette « taxe invisible », le Gabon aura du mal à assainir son climat des affaires. La réforme annoncée par le ministère de l’Intérieur en 2025, qui promet de nouvelles recrues et des unités spécialisées, ne pourra convaincre que si elle s’attaque frontalement à la corruption. Sinon, l’institution policière continuera d’étrangler les ménages et d’étouffer les entreprises, affaiblissant ainsi les fondements de la croissance.