L’annonce par le gouvernement de l’instauration d’une taxe forfaitaire d’habitation, applicable dès 2026 et prélevée directement sur les factures d’électricité, suscite déjà de vifs débats. Présentée comme un instrument d’élargissement de l’assiette fiscale et de renforcement de l’équité contributive, cette taxe, adossée à la facturation de la SEEG, devrait rapporter environ 2,8 milliards de fcfa par an. Mais le choix de la SEEG comme opérateur de collecte soulève de nombreuses interrogations, d’autant que l’entreprise est aujourd’hui au cœur d’un contentieux financier majeur avec l’État.
Lors d’une récente conférence de presse, Alain-Claude Bilié-By-Nze, président du parti Ensemble pour le Gabon (EPG), a remis en cause la légitimité même de cette approche. Selon lui, chaque abonné de la SEEG est lié par un contrat qui ne prévoit nullement que l’entreprise assure la collecte d’impôts pour le compte de l’État. Il estime que confier une telle responsabilité à une société à laquelle l’État doit près de 100 milliards de fcfa soulève un risque évident de confusion des rôles, voire de conflits d’intérêts. « Comment voulez-vous confier à un opérateur à qui vous devez énormément d’argent le soin de vous récupérer de l’argent via les gabonais ? », s’est interrogé l’opposant.
Cette critique prend d’autant plus de poids que le mécanisme retenu par le gouvernement fait reposer le prélèvement sur la consommation électrique, un service essentiel dont aucun foyer ne peut se passer. Pour Bilié-By-Nze, il s’agit ni plus ni moins d’une “voie détournée” permettant à l’État d’utiliser l’argent des Gabonais pour régler une partie de sa dette colossale vis-à-vis de la SEEG. Ajouter un prélèvement fiscal obligatoire dans un contexte de tensions financières entre les deux parties s’apparente, selon lui, à faire du consommateur le payeur indirect de cette dette.
Par ailleurs, la taxe s’appliquera à tous les logements résidentiels et professionnels, selon une classification géographique, rendant le dispositif potentiellement inégalitaire. Si les zones rurales seront exemptées lors de la première phase, la mesure pourrait toucher de plein fouet les ménages urbains déjà confrontés à la hausse du coût de la vie, aux coupures récurrentes et à un pouvoir d’achat affaibli. Pour de nombreux observateurs, le timing et les modalités de cette réforme sont mal calibrés et risquent de fragiliser davantage les foyers, plutôt que de renforcer la justice fiscale comme l’affirme l’exécutif.
En définitive, la mise en œuvre de cette taxe d’habitation laisse planer un doute sur ses véritables objectifs. En invitant les Gabonais à “être attentifs à ce qui est en train de se faire”, Bilié-By-Nze ouvre un front politique et citoyen qui pourrait prendre de l’ampleur dans les prochains mois. À l’heure où le gouvernement prône la relance et la confiance, l’amalgame entre fiscalité, service public de l’énergie et dette publique pourrait nourrir davantage de suspicion que d’adhésion. Le débat est désormais ouvert, et la clarté sur les finalités réelles de cette taxe devient une exigence démocratique.








