C’est une annonce qui a fait lever plus d’un sourcil dans les milieux économiques. La Société Équatoriale des Mines (SEM) veut multiplier par près de quatre-vingt son chiffre d’affaires actuel, passant de 6,3 milliards de fcfa à 500 milliards par an d’ici 2030. L’objectif, présenté au ministre des Mines et des Ressources géologiques, Gilles Nembé, s’inscrit dans le cadre du nouveau plan stratégique quinquennal 2026-2030. Sur le papier, le projet vise à faire de la SEM un acteur minier industriel de référence sur le continent. Mais à y regarder de plus près, cette ambition, pour le moins spectaculaire, se heurte à une série de réalités bien plus prosaïques.
Créée en 2011 pour porter les intérêts miniers de l’État, la SEM peine toujours à trouver son rythme de croisière. Son chiffre d’affaires, resté modeste, ne reflète pas la richesse potentielle du sous-sol gabonais. Pis, l’entreprise traîne une réputation d’opacité qui lui colle à la peau. La tenue tardive de son premier conseil d’administration, en 2022 seulement, en est le symbole. Les observateurs pointent également une gouvernance floue, marquée par une faible communication publique, une absence d’états financiers régulièrement publiés et une dépendance accrue à la tutelle ministérielle.

Sur le terrain, les faiblesses sont structurelles. Les ressources minières identifiées par la SEM ne sont pas encore certifiées selon les standards internationaux, ce qui rend toute valorisation économique fragile. Les ressources humaines, elles, sont insuffisantes, notamment dans les métiers d’ingénierie minière et de géologie. Pourtant selon des sources internes, l’entreprise reconnaît elle-même, dans son plan stratégique, un « déficit de compétences critiques ». Et sans partenaires solides ni investissements massifs, difficile d’imaginer comment la SEM pourra en si peu de temps transformer son modèle économique.
Pour espérer atteindre les 500 milliards visés, la SEM devra non seulement exploiter de nouveaux gisements, mais surtout bâtir la confiance des investisseurs, du marché, et du citoyen gabonais. Or, la transparence, la rigueur comptable et la gouvernance demeurent ses plus grands défis. Tant que ces chantiers ne seront pas solidement engagés, la promesse d’un chiffre d’affaires multiplié par 80 relèvera moins d’une stratégie économique que d’un exercice d’optimisme institutionnel.








