D’abord annoncé à 15 milliards fcfa par mois sur 20 ans, puis démenti en catimini et de manière non officielle par les autorités de transition via CTRI News, qui évoquent plutôt le montant de 1,8 milliard de fcfa, le contrat entre le Gabon et Karpowership est devenu un véritable fardeau pour le ministre de l’Énergie, Séraphin Akure-Davain. Une patate extrêmement chaude transmise par le président de la transition Brice Clotaire Oligui Nguema. Cette affaire expose les contradictions du gouvernement sur un secteur stratégique, et met sous pression un ministre qui, hier encore, était l’un des plus virulents critiques du système.
1,8 milliard… hors carburant
Au départ, l’engagement de l’État auprès de la société turque portait sur la fourniture de 150 MW pour un montant mensuel de 12 milliards fcfa, selon les premières estimations. Mais après une renégociation menée sous l’impulsion du chef de la transition, la puissance livrée est tombée à 70MW, et le montant annoncé par les autorités est désormais de 1,8 milliard fcfa par mois… hors carburant. Un détail loin d’être anodin, puisque le fioul lourd, indispensable au fonctionnement des centrales flottantes de Karpowership, reste intégralement à la charge de l’État gabonais. Un poste de dépense qui pourrait faire exploser la facture bien au-delà des 1,8 milliard fcfa avancés. Si l’on se fie aux coûts pratiqués ailleurs en Afrique, notamment au Sénégal ou en Côte d’Ivoire où l’entreprise turque est installée.
20 ans d’engagement
Autre élément troublant : bien que le montant de 15 milliards fcfa ait été promptement démenti par le canal officieux CTRI News, la durée du contrat, elle, n’a jamais été contestée. Les 20 années d’engagement restent donc d’actualité, faisant peser une lourde hypothèque sur l’avenir de la SEEG. Un point d’autant plus inquiétant que, selon certaines sources, la clause initiale permettant à Karpowership de récupérer la SEEG en cas de défaut de paiement pendant deux mois pourrait être maintenue. Si tel est le cas, cela ressemblerait à une privatisation déguisée, un retour en arrière après la rupture du contrat avec Veolia en 2016.
Pris dans cette tourmente, Séraphin Akure-Davain tente tant bien que mal de rassurer. « Le protocole d’accord signé engage l’État et la SEEG à hauteur de 1,8 milliard fcfa par mois, et non à 15 milliards fcfa », a-t-il déclaré. Une sortie qui peine à convaincre, tant l’opacité demeure autour des véritables termes du contrat. Pourquoi les autorités refusent-elles de rendre public l’accord final, comme le recommandait le FMI en février dernier pour tous les contrats pétroliers, miniers et énergétiques ?
Dossier brûlant
Pour l’instant, ce dossier brûlant reste une patate chaude entre les mains du ministre de l’Énergie, qui doit non seulement gérer la grogne des consommateurs face à de possibles hausses de tarifs, mais aussi éviter que la SEEG ne devienne une proie facile pour Karpowership. Un défi de taille pour celui qui, il n’y a pas si longtemps, dénonçait avec véhémence les dérives du système et plaidait pour une meilleure gouvernance du secteur énergétique.