Le gouvernement a fait le choix d’encadrer plus strictement le secteur des jeux de hasard, avec une entrée en vigueur de la réforme au 1er octobre 2025. Présentée comme une mesure de transparence et de sécurisation des flux financiers, cette décision s’inscrit pourtant dans un contexte budgétaire alarmant. Les dépenses de fonctionnement de l’État, au lieu d’être réduites, devraient dépasser 3500 milliards de fcfa en 2026. Le ministre de l’Intérieur, Herman Immongault, a rappelé que tous les opérateurs doivent désormais passer par la plateforme E-Tech SAS, désignée comme agrégateur officiel des flux financiers.
Mais derrière la promesse d’une meilleure régulation se profile une stratégie purement fiscale. Dans une région où le marché des jeux de hasard pèse déjà plus de 3 milliards de dollars par an (dont près de 500 milliards de fcfa en Afrique centrale, selon des estimations sectorielles), l’État gabonais espère capter une part plus importante de cette manne. Problème : en se positionnant comme collecteur et taxateur, il devient dépendant d’une pratique aux effets sociaux destructeurs.
En effet, plus la fiscalité augmente, plus les opérateurs chercheront à compenser leurs pertes en multipliant campagnes marketing et promotions agressives. Résultat : une explosion de la publicité pour attirer de nouveaux adeptes, souvent jeunes et précarisés. L’État, qui prétend « sécuriser le marché », pousse en réalité insidieusement les populations vers les jeux, tout en s’assurant de prélever sa dîme. Plus de taxes signifie plus de publicité, donc plus de joueurs, donc plus de recettes pour l’État.
Or, cette logique comporte un coût social considérable. Les jeux de hasard ne sont pas un secteur productif : ils ne créent ni industries, ni emplois durables. Ils alimentent surtout l’espoir illusoire d’un enrichissement rapide. Dans un contexte où le chômage touche près d’un tiers des jeunes, cette dépendance peut devenir un poison social. En institutionnalisant le secteur, le gouvernement se dédouane de ses responsabilités économiques et transfère le fardeau du financement public sur les rêves et les poches des Gabonais ordinaires.
Faute de courage politique pour réduire son train de vie et réformer son administration pléthorique, l’État choisit de s’enrichir sur l’espoir des plus modestes. Loin d’incarner une gouvernance responsable, cette politique alimente une dépendance aux jeux et fragilise la cohésion sociale. À terme, ce pari risqué pourrait coûter plus cher que les recettes qu’il génère, car il mine la confiance entre gouvernants et citoyens tout en institutionnalisant une fiscalité fondée sur le désespoir.