Maître Anges Kevin Nzigou, avocat et leader du Parti pour le Changement (PLC), a longtemps incarné l’opposition farouche de sa génération au régime de la famille Bongo. Toutefois, un retournement politique significatif s’est produit ces dernières semaines, marquant un changement radical dans ses prises de position. Alors que Nzigou avait initialement exprimé des critiques acerbes envers la transition politique dirigée par le général Oligui Nguema, il s’est durant cette campagne référendaire, montré favorable à un soutien au pouvoir en place en affirmant voter en faveur du «OUI» qui, selon les premières tendances serait en tête des résultats. Néanmoins, au sortir de cette campagne, son discours a pris un virage à 180 degrés. Le leader du PLC, après avoir appelé à voter «Oui», semble aujourd’hui revenir sur ses positions en appelant publiquement à «chasser le PDG», qui serait selon lui à l’origine de l’abstention à ce référendum, mettant en lumière un malaise de plus en plus perceptible au sein de la classe politique gabonaise.
Ce retournement de situation, qui fait écho aux incertitudes politiques du pays, s’explique en partie par les évolutions observées dans la gestion de la transition. Après des mois de critiques concernant un régime jugé “autoritaire et populiste”, Nzigou semblait dans un premier temps avoir accepté tacitement la stabilité apparente instaurée par le général Oligui. Mais cette perception a vite évolué face à la persistance de l’omniprésence du Parti démocratique gabonais (PDG), l’ex-parti au pouvoir, qui semble avoir joué pour beaucoup dans l’abstention observée le 16 novembre lors du vote du projet constitutionnel. “Les tendances des élections référendaires semblent donner une large victoire au “Oui”, une nouvelle qui peut réjouir ses partisans. Pourtant, en y regardant de plus près, le véritable vainqueur de cette élection est sans conteste l’abstention, dont le niveau record est profondément symbolique du malaise qui habite le peuple gabonais”, a déclaré l’avocat sur sa page Facebook hier samedi 16 novembre dans l’après-midi.
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Bien que le régime de la transition ait tenté de s’affirmer comme une rupture avec l’ancien système, l’influence des figures de l’ancien gouvernement et le manque de réformes profondes ont alimenté un sentiment de trahison chez de nombreux opposants, y compris Nzigou. “Rappelons-nous : le 30 août 2023, le peuple avait applaudi le coup d’État, espérant un rejet clair et définitif du PDG et de ses pratiques. Mais un an plus tard, l’omniprésence persistante de ce parti laisse un goût amer. Les Gabonais se sentent trompés, trahis dans leurs attentes de changement”, a ajouté le leader du PLC.
Abstention : c’est la faute au PDG ?
Son appel à «chasser le PDG» révèle désormais une volonté de se distancer de la politique actuelle, notamment en réaction à l’abstention record lors du référendum, qui a mis en lumière un profond malaise populaire. “Cette forte abstention, dans un contexte où le coup d’État avait suscité tant d’espoirs, est l’expression d’un désenchantement profond. Elle traduit la frustration de voir que le PDG, au lieu de disparaître, continue de peser sur le destin de la nation”, renchérit l’avocat.
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Ce constat de désillusion face à l’absence de changement tangible et à la persistance de méthodes tant décriées, a convaincu l’opposant que le véritable défi reste la question de l’influence persistante du PDG. En ce sens, sa nouvelle posture politique semble chercher à renouer avec les aspirations de la population qui avait espéré un rejet définitif des pratiques du passé, mais qui se retrouve face à une situation où le système Bongo semble encore dominer la scène politique. “Le message est clair : le peuple gabonais attend toujours le vrai changement qu’il a si ardemment appelé de ses vœux”, conclut Me Anges Kevin Nzigou sur sa page Facebook, comme un aveu après avoir soutenu ouvertement une campagne dont la majorité des personnalités influentes sont des pédégistes.
Un paysage politique toujours dominé par le PDG
Ce virage à 180 degrés de Maître Nzigou soulève toutefois plusieurs questions sur sa stratégie politique à long terme. Alors qu’il semblait avoir mis en sourdine ses ambitions de confrontation frontale, sa nouvelle posture semble plus radicale et vise à capitaliser sur le mécontentement populaire croissant. Toutefois, cette flexibilité apparente peut également être perçue comme une recherche de légitimité dans un contexte où la transition politique reste fragile et incertaine. Nzigou pourrait tenter de se positionner comme le porte-voix d’un véritable changement, tout en naviguant prudemment dans un paysage politique toujours dominé par les anciens acteurs du régime Bongo.
La situation politique au Gabon demeure complexe et en constante évolution. Si Maître Nzigou parvient à crédibiliser son appel à «chasser le PDG», il pourrait prendre une place importante dans le processus de réformes à venir. Toutefois, il doit d’abord surmonter le défi de la cohérence dans son discours et de la clarté de ses intentions, alors que de nombreux observateurs se demandent si ce virage à 180 degrés est véritablement motivé par la quête de changement ou simplement par des calculs tactiques visant à se garantir une position favorable dans le nouvel ordre politique gabonais.
Les Gabonais sceptiques face à la sincérité du CTRI ?
Ce référendum bien qu’il ait été soutenu par Maître Nzigou et d’autres figures politiques, a été marqué par une abstention « record » selon les premières tendances, révélatrice d’un manque d’engouement et d’une forme de désaveu envers le pouvoir en place sous fond d’omniprésence du PDG. Ce faible taux de participation suggère une désillusion croissante parmi la population, qui semble incertaine quant aux réels changements apportés par la transition politique. L’absence d’une mobilisation populaire significative le jour du vote, laisse entendre que, malgré les efforts affichés pour soutenir le «OUI», les Gabonais restent sceptiques quant à la sincérité des réformes entreprises et à l’ampleur réelle de la rupture avec le régime Bongo.