La signature du contrat entre le ministère du Pétrole et la société chinoise CRBC pour la construction d’un tronçon routier de 250 km dans le Woleu-Ntem a surpris plus d’un observateur. Ce projet, qui relève normalement du portefeuille du ministère des Travaux publics, a été annoncé et présenté comme une initiative portée par le ministre du Pétrole, lui-même originaire de la province. Une confusion institutionnelle révélatrice d’une politisation excessive de l’administration gabonaise, où les logiques d’appartenance régionale semblent supplanter les règles de gouvernance sectorielle.
Dans un État bien structuré, chaque département ministériel dispose de compétences précises, notamment sur les infrastructures publiques. Que le ministère du Pétrole prenne la main sur un projet routier interroge sur la coordination gouvernementale, la clarté des responsabilités et la transparence des circuits budgétaires. En centralisant des projets dans les mains de ministres influents ou “propriétaires” de provinces, le risque est grand de voir les politiques publiques se transformer en outils de visibilité politique, plutôt qu’en leviers de développement équitable.

Ce glissement est loin d’être anodin. Pis, il traduit une culture administrative où les grands chantiers deviennent des marqueurs d’influence personnelle. Dans le cas du Woleu-Ntem, l’annonce du ministre du Pétrole intervient dans un contexte où la province peine à attirer les investissements publics depuis plusieurs années. Plutôt que de renforcer la planification sectorielle ou de coordonner les actions avec les Travaux publics, le gouvernement semble céder à une approche opportuniste, où les considérations politiques priment sur la cohérence institutionnelle.
Une telle démarche soulève toutefois des interrogations sur la gouvernance de l’action publique. En confiant à un ministère non compétent le pilotage d’un chantier d’infrastructure, le gouvernement brouille les lignes institutionnelles et expose l’exécution du projet à des chevauchements de responsabilités. Plusieurs analystes estiment que cette confusion pourrait compliquer la supervision technique, retarder les procédures administratives et fragiliser la traçabilité budgétaire. Dans un contexte où la rigueur et la coordination des politiques publiques sont devenues des priorités affichées, ce type d’initiative illustre les défis persistants de la politisation de l’appareil administratif gabonais.