L’audit des baux administratifs révèle une réalité embarrassante. L’État gabonais finance depuis des années des dépenses qu’il s’impose à lui-même, sans raison valable. Entre bâtiments vides, loyers fantômes et contrats jamais utilisés, plus de 2,29 milliards fcfa s’envolent chaque année sans la moindre utilité publique. Le plus étonnant, c’est que personne ne semblait pressé d’y mettre fin sous l’ancien régime déchu d’Ali Bongo Ondimba. Cette mécanique interne, tolérée depuis longtemps, interroge la façon dont les engagements financiers étaient validés. À force de ne pas contrôler, l’État est devenu son propre principal créancier inutile.
Les dysfonctionnements dévoilés ne sont pas des accidents isolés mais un système complet où des baux obsolètes continuaient d’être payés comme s’ils étaient indispensables. L’absence de coordination entre administrations a permis à des dépenses mortes de proliférer discrètement. On découvre que certains services louaient des bâtiments sans même y installer un seul bureau. Cette accumulation silencieuse s’est transformée en charge structurelle. Une manière de rappeler que le gaspillage public n’est pas toujours le fruit d’un détournement, mais souvent de l’absence totale de suivi.
À cela s’ajoute une dimension fiscale tout aussi problématique. Sur 91 contrats analysés, 67 présentent des manquements en TSIL et IRPP, générant un manque à gagner supérieur à 3 milliards de fcfa pour le Trésor. Autrement dit, l’État payait des loyers à des bailleurs qui, eux, oubliaient de payer leurs taxes. Et tout cela s’est déroulé dans une indifférence quasi totale. Cette boucle absurde montre un système où les obligations des uns ne rencontrent jamais les responsabilités des autres. Résultat : un double trou financier, parfaitement évitable.
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Le gouvernement promet désormais une opération de nettoyage : résiliation, renégociation, recouvrement. Un discours familier qui accompagne chaque scandale administratif, sans toujours déboucher sur des transformations durables. Car au-delà des annonces, l’enjeu est d’imposer une discipline dans des services habitués à fonctionner sans contrainte. Le problème n’est plus l’ignorance, mais la capacité réelle à imposer des règles après des années de laxisme. Et c’est précisément sur ce terrain que les précédentes réformes ont souvent échoué.
Cette affaire pose une question que personne ne peut balayer : comment l’État compte-t-il redresser la barre alors que les dépenses de fonctionnement atteindront 3 695 milliards de fcfa en 2026 ? D’autant plus que certaines dépenses considérées comme “essentielles” restent étonnamment élevées, comme les 1 049 milliards de fcfa d’autres dépenses courantes, un poste où l’opacité coûte cher. Le gouvernement peut-il assainir les finances publiques alors qu’il peine déjà à contrôler ses propres engagements ? Le contraste risque de devenir difficile à justifier.








