Le système bancaire gabonais vacille sous le poids d’un chiffre alarmant. Selon la Commission Bancaire d’Afrique Centrale (COBAC), 171 milliards de fcfa de créances douteuses ont été recensées en 2024. Une envolée de plus de 30% en un an, qui confirme l’atterrissage brutal d’un modèle économique étouffé par les impayés, la mauvaise gouvernance et la dépendance à l’État. Cette réalité n’est plus un simple problème de « gestion interne » : elle dessine les contours d’un risque systémique, capable d’entraîner dans sa chute l’ensemble de l’économie nationale.
Une concentration inquiétante
En effet, au cœur de ce système fragilisé, une institution concentre toutes les attentions : BGFIBank. Première banque du pays, bras financier de nombreux projets étatiques, elle est à la fois juge et partie tout comme son président directeur général Henri Claude Oyima, à la fois PDG et ministre de l’Économie. Présente dans les grands contrats d’infrastructure, les opérations d’émission de dette, et même la gestion de certains comptes publics, BGFIBank est devenue trop grosse pour échouer, mais aussi trop exposée pour ne pas inquiéter. Dans un contexte où l’État lui-même accumule les retards de paiement, la concentration des risques dans une seule banque pourrait transformer une crise de liquidités en crise de confiance généralisée.
Une dépendance mutuelle dangereuse
L’omniprésence de BGFIBank dans l’économie gabonaise crée une dépendance mutuelle dangereuse. Lorsque l’État s’endette ou lance un projet d’envergure, la banque se retrouve souvent en première ligne, soit comme co-financeur, soit comme véhicule de mobilisation des fonds. Si les remboursements publics se font attendre, si les projets ralentissent, ou si les garanties sont mal calibrées, les bilans de la banque sont directement affectés, augmentant mécaniquement ses créances douteuses.
Ce lien étroit, presque incestueux, entre la principale banque du pays et les finances publiques pose une question capitale. Qui protège qui ? Et à quel prix ? Dans un marché bancaire déjà asphyxié, où 17% des crédits sont désormais considérés comme douteux, cette concentration des engagements et des expositions auprès d’un État insolvable menace l’ensemble de l’écosystème financier. Les autres établissements, plus petits, se retrouvent marginalisés, tandis que la BEAC et la COBAC peinent à imposer des règles de prudence sans froisser le poids lourd bancaire.
Diversification bancaire oblige
À l’heure où le Gabon cherche à relancer son économie, attirer des investisseurs et restaurer la confiance, cette situation devient intenable. BGFIBank ne peut pas rester à la fois l’architecte du financement public et son principal créancier, sans que des garde-fous ne soient imposés. La diversification du secteur bancaire, la transparence dans les relations État-banque, et un encadrement strict des risques systémiques ne sont plus des options : ce sont des impératifs pour éviter qu’un jour, ce système ne s’effondre sous son propre poids.