L’audit annoncé sur les emprunts contractés par le Gabon auprès des banques internationales ouvre un dossier souvent tenu à distance du débat public. Derrière les chiffres froids se trouvent des contrats négociés dans des contextes particuliers, parfois sous pression, parfois avec des conditions discutables. Mettre ces accords en perspective permettra de comprendre si les ressources empruntées ont réellement soutenu les projets de développement annoncés. Cette enquête devra aussi évaluer la pertinence des choix opérés au fil des années, car chaque crédit engagé a façonné l’orientation économique du pays.
Certains prêts ont servi à financer des infrastructures routières, énergétiques ou sociales, mais la traçabilité des flux reste floue. Les établissements financiers concernés, de Santander à la BADEA, attendront sans doute des réponses claires sur la régularité de la gestion des fonds prêtés. L’audit doit donc éclairer non seulement la dette globale, mais aussi la destination réelle des ressources. Il s’agit de distinguer les projets achevés, ceux arrêtés en cours de route et ceux qui n’ont jamais vu le jour malgré les financements mobilisés.
Au-delà des banques, cette démarche oblige à revisiter le rôle des acteurs publics qui ont porté ces choix. Qui a signé les engagements, sous quelles contraintes, et pour quels résultats concrets ? La transparence attendue ne vise pas seulement les créanciers, mais aussi la chaîne de responsabilité nationale, ce qui pose un enjeu de gouvernance : un État crédible doit rendre compte de l’utilisation de ses emprunts, même lorsque ceux-ci s’étendent sur plusieurs mandats et gouvernements.
La dette extérieure, dont le service a atteint plus de 650 milliards de fcfa en 2024, absorbe une part importante du budget. Les fluctuations observées entre baisse sur la dette bilatérale et hausse sur la dette multilatérale, traduisent des arbitrages financiers peu lisibles pour les citoyens. Cet audit devra donc clarifier les tendances, et non se limiter à un état des lieux comptable. En mettant en lumière les causes de ces variations, il deviendra possible de comprendre où l’État privilégie ses remboursements et pourquoi.
Si le travail est conduit jusqu’au bout, il offrira une cartographie précise des engagements extérieurs et de leur utilité. À terme, il pourrait transformer la manière dont le Gabon négocie ses futures lignes de crédit. Mais cela suppose que les conclusions soient rendues publiques et suivies d’une réforme de la gestion de la dette, plutôt qu’enterrées dans des rapports confidentiels. Ce sera également un test de volonté politique. Oyima devra publier un audit complet et ainsi révéler les erreurs passées, même au prix de critiques.