Avec un taux de croissance de 2,9% en 2024, le Gabon s’est classé parmi les pays les plus dynamiques de la CEMAC. Sur le papier, c’est encourageant. Mais dans la vraie vie, l’embellie ne se voit ni dans les quartiers populaires, ni sur les fiches de paie. « Malgré une croissance économique modérée et la baisse de l’inflation, environ un tiers de la population de la région CEMAC vit encore dans l’extrême pauvreté », rappelle la Banque mondiale. Le miracle économique reste inaccessible à la majorité des Gabonais.
Derrière les grands projets d’infrastructure et les annonces de relance, le chômage explose. Officiellement, 20,7% des actifs gabonais sont sans emploi, un record dans la région. Pire encore, les jeunes et les femmes sont les premières victimes. « Le chômage reste élevé, s’élevant à […] 20,7% au Gabon », alerte la Banque mondiale, qui souligne aussi la précarité généralisée des emplois disponibles. Pour une grande partie de la population, travailler ne protège plus ni de la pauvreté ni de l’angoisse du lendemain.
Le paradoxe est cruel : au Gabon, on peut avoir un emploi et rester pauvre. Dans la CEMAC, « environ 70% des emplois […] étaient considérés comme vulnérables », en particulier les travailleurs à leur compte ou non déclarés. Le Gabon est certes l’un des pays où le taux d’extrême pauvreté est le plus bas (3%), mais la Banque mondiale rappelle que ce chiffre grimpe brutalement dès qu’on relève légèrement le seuil de mesure : « 58,2% de la population vit avec moins de 3,65 USD par jour, et 82,1% avec moins de 6,85 USD ».
Dans un tel contexte, le rôle de l’État est crucial. Mais les protections sociales sont faibles, les politiques publiques peu ciblées, et les filets de sécurité quasi inexistants. Les déguerpissements actuels montrent une réalité choquants : les gabonais vivent dans des conditions précaires. Le rapport de la Banque mondiale note d’ailleurs que « les limitations des systèmes de protection sociale réduisent […] la capacité des pays à protéger les plus vulnérables face aux chocs économiques ». Autrement dit, quand un Gabonais bascule dans la précarité, il tombe souvent sans rien pour le retenir.
Pour la Banque mondiale, le Gabon doit revoir ses priorités : plus d’inclusion, plus d’emplois de qualité, plus d’investissements dans le capital humain. « La région devrait engager des réformes audacieuses afin de promouvoir une croissance plus rapide et plus inclusive, d’encourager davantage l’investissement privé et de créer des emplois en plus grand nombre et de meilleure qualité », assure l’institution de Bretonwoods. Sans cette approche, le pays risque de nourrir un ressentiment social croissant, et de transformer ses atouts économiques en fractures sociales explosives.