Depuis plusieurs mois, les autorités gabonaises multiplient les annonces en faveur du pouvoir d’achat : suspension des taxes sur certains produits, contrôle des prix, subventions ciblées. Ces mesures, très médiatisées, donnent l’image d’un État soucieux du quotidien des citoyens. Pourtant, dans le même temps, les dépenses de l’exécutif s’emballent dans une discrétion totale. Cabinets présidentiels multipliés, création de nouveaux postes politiques, retraites dorées et flottes automobiles étatiques en expansion.
Une nouvelle architecture qui pose problème
La nouvelle architecture institutionnelle avec le président, un Vice-président de la République et un Vice-président du gouvernement, génère à elle seule une charge budgétaire de plus de 6 milliards de fcfa par an, selon les estimations croisées des coûts de fonctionnement, salaires, sécurité, et logistique. Chacun de ces pôles dispose d’un cabinet complet, sans mécanisme public d’évaluation de leurs performances. L’État finance donc, en parallèle, trois chaînes décisionnelles au sommet, pendant que les familles peinent à couvrir le panier alimentaire de base.
Dans le même temps, les campagnes de lutte contre la vie chère sont calibrées pour l’opinion publique : elles ciblent les produits visibles (riz, sucre, sardines), mais ignorent les causes structurelles de la cherté de la vie (transport, logistique, inefficacité de la chaîne d’approvisionnement). Or, aucune ligne budgétaire officielle ne vient éclairer les véritables coûts de fonctionnement du sommet de l’État. On semble donner au peuple l’image d’un État qui protège, alors qu’il consomme en silence une part croissante des ressources disponibles.
Maintien du confort ou besoins fondamentaux ?
Comment justifier l’octroi de conseillers et chargés de mission à 10 millions de fcfa par mois cumulés dans chaque cabinet ministériel, alors que les enseignants sont mal lotis ? Pourquoi maintenir les retraites privilégiées d’ex-Premier ministre quand les caisses de retraite des fonctionnaires sont déficitaires ? Ces choix budgétaires révèlent un modèle où le maintien du confort politique prime sur les besoins fondamentaux des citoyens.
L’écart entre le discours de rigueur pour les uns et le confort extravagant pour les autres devient difficile à dissimuler. Dans un pays où les jeunes générations sont de plus en plus connectées, éduquées et attentives aux injustices économiques, ce double langage risque d’alimenter le sentiment d’injustice sociale. La grande majorité de la population pourrait ne plus se contenter d’aides symboliques mais exiger une refonte réelle du contrat budgétaire entre gouvernants et gouvernés. Une véritable réflexion devrait s’imposer au fil du temps.