La politique est un art du possible, mais elle ne peut prospérer durablement que si elle se nourrit de vertus, telles que l’intégrité, le courage, la justice et le respect, qui fondent la confiance entre gouvernants et gouvernés. Les gouvernants sont au service du peuple. Comme le rappelait Confucius : « Qui veut gouverner les hommes doit se mettre lui-même en ordre. » Cette injonction reste d’une brûlante actualité : l’autorité qui ne s’appuie pas sur une éthique cohérente se condamne à l’incohérence et à la défiance. L’histoire récente d’Ali Bongo en est un exemple patent. Et c’est le président Brice Clotaire Oligui Nguema qui lui donne la leçon.
Dans un État en mutation, la Ve République, la question de l’entourage d’un chef d’État n’est jamais anodine. Le président Brice Clotaire Oligui Nguema s’est présenté avec des promesses fortes : dignité rendue au peuple gabonais, respect de la presse, rétablissement de l’État de droit. Il a appelé à l’unité et à l’inclusivité. L’inclusivité, en elle-même, est une vertu politique, puisqu’elle vise à panser les blessures, à intégrer les talents et à éviter les marges de violence. Mais elle suppose des garde-fous éthiques et une hiérarchie claire des valeurs. Recruter des personnalités controversées sans mécanismes transparents de contrôle peut affaiblir la crédibilité du message et créer l’impression que l’ancien système, ses pratiques et ses humiliations, persistent sous d’autres habits. Les Gabonais en sont témoins et victimes au quotidien.
Relation entre vertu personnelle et bien commun
Les sages africains ont longtemps insisté sur la relation entre vertu personnelle et bien commun. L’écrivain sénégalais Cheikh Anta Diop et d’autres penseurs africains ont rappelé que la restauration de la dignité collective passe par des comportements publics irréprochables et par des institutions qui sanctionnent l’abus. Dans la même veine, il est essentiel que les collaborateurs d’un président incarnent et traduisent sa vision. Non par servilité, mais par loyauté critique et responsabilité. Lorsque des agents de l’État contredisent publiquement la parole présidentielle ou réinterprètent ses engagements, l’effet est désastreux : cela érode l’autorité démocratique et conforte le cynisme.

La presse, enfin, est le miroir et le thermomètre de la démocratie. Rendre à la presse « ses lettres de noblesse », comme l’a promis le président Brice Clotaire Oligui Nguéma alors président de la Transition en 2023, lors de sa première rencontre avec les hommes et femmes de médias, suppose plus que des mots. C’est un engagement concret en faveur d’un financement transparent, d’un accès équitable à l’information et de protections réelles des journalistes contre les pressions financières ou juridiques. Accorder des subventions au compte-gouttes, à la fin de l’année ou seulement lors d’événements majeurs, ne garantit ni l’indépendance ni la pérennité. Une presse dépendante financièrement de certains groupes devient vulnérable et perd sa capacité de critique, alors que c’est précisément cette critique qui contribue à corriger les errements des dirigeants.

Une parole présidentielle déconnectée des actes ?
Faut-il conclure que le président a mal agi en prônant l’inclusivité ? Non, l’inclusivité reste une orientation salutaire. Mais elle doit être conjuguée avec la vertu politique : normes claires, transparence des nominations, évaluations publiques des responsables, et sanctions lorsque la loi est violée. Ne pas le faire conduit à une forme d’hypocrisie normative où la parole présidentielle paraît déconnectée des actes. Est-ce le président qui a menti, ou ses collaborateurs qui n’ont pas compris ? Peut-être ni l’un ni l’autre. Plus vraisemblablement, il existe un déficit de traduction institutionnelle du projet éthique, un écart entre le verbe et sa mise en œuvre, que doivent combler la volonté présidentielle et la pression citoyenne.

Pour restaurer la confiance, trois exigences pratiques s’imposent. D’abord, clarifier et publier des critères transparents de nomination et d’évaluation des responsables publics. Ensuite, instituer des mécanismes indépendants pour le contrôle des finances publiques et la protection des journalistes. Enfin, rappeler et promouvoir, publiquement, la primauté de l’éthique dans l’action gouvernementale, avec des exemples concrets de sanctions quand la loi est violée.
Confusion entre intérêt privé et bien commun
Confucius insistait sur l’exemplarité. « Le souverain est semblable au gouvernail : la nation suit », disait-il. Les traditions de sagesse africaines ajoutent que la dignité d’un peuple revient quand ses dirigeants arrêtent de confondre intérêt privé et bien commun. Si le président Oligui Nguema entend réellement rendre la dignité au peuple gabonais, il lui faudra veiller à ce que son entourage traduise ses engagements en actes, non seulement par la rhétorique de l’unité, mais par la discipline morale et institutionnelle qui empêche le retour des pratiques humiliantes d’un passé très récent.
La politique sans vertu est une machine à désillusion.
Ferdinand DEMBA, directeur de publication Inside News241
Rendre la parole présidentielle crédible exige une cohérence entre promesse et pratique, entre inclusivité et responsabilité. Le peuple gabonais mérite que la Ve République ne soit pas seulement une nouvelle façade, mais une refondation morale et institutionnelle durable. Nous avons la faiblesse de croire que ces tâtonnements sont le résultat des tentatives de faire mieux que le passé. Avons-nous tort de le penser ?
Ferdinand DEMBA
Directeur de publication du média Inside News241








