Présentée comme une mesure sociale phare de la Transition, la décision du président Brice Clotaire Oligui Nguéma de plafonner le prix de la bouteille de gaz domestique à moins de 5 000 fcfa coûte aujourd’hui très cher à l’État. Le montant total de la subvention s’élève à 270 milliards de fcfa, une somme massive dans un contexte où les finances publiques sont déjà sous pression. Si cette mesure avait été annoncée avec éclat en décembre 2024 comme un geste en faveur du pouvoir d’achat, son efficacité économique et budgétaire est désormais largement remise en question.
Absence de mesure d’accompagnement et d’évaluation d’impact
Cette dépense publique, non ciblée socialement, bénéficie à tous les ménages sans distinction de revenus, y compris les plus aisés. Elle absorbe à elle seule une part significative du budget, au détriment d’autres priorités urgentes comme la réduction des arriérés de paiement, les investissements dans la santé, ou encore l’éducation. Aucune mesure d’accompagnement ni d’évaluation d’impact n’a été publiée depuis l’entrée en vigueur du plafonnement, et les projections du Document de cadrage 2026–2028 n’incluent pas de stratégie de sortie ni de compensation alternative.
Le secteur de la distribution, en particulier les marketeurs de gaz, paie également un lourd tribut. L’État accumule une ardoise de plusieurs dizaines de milliards vis-à-vis de ces opérateurs, rendant leur activité de plus en plus précaire. Dépôts saturés, retards dans le réapprovisionnement, impossibilité de renouveler les équipements logistiques : les distributeurs ne sont plus en mesure d’assurer convenablement leur mission, et certains envisagent de réduire leurs volumes ou de se retirer. Un comble pour une filière censée être stratégique.
Introduction d’une distorsion durable dans le marché de l’énergie domestique
Pire encore, cette subvention massive introduit une distorsion durable dans le marché de l’énergie domestique, en décourageant la recherche de solutions alternatives ou plus durables. Elle rend aussi plus difficile toute réforme future, tant la mesure est politiquement sensible. Et pourtant, elle n’est ni soutenable financièrement, ni efficace économiquement, à moins d’être revue, ciblée ou convertie en mécanisme de compensation plus intelligent. Maintenue en l’état, elle condamne l’État à financer une consommation sans conditions, en aggravant ses propres fragilités.
Les 270 milliards de subvention au gaz domestique apparaissent aujourd’hui comme un choix coûteux, populiste et non structurant. Tant pour les finances publiques que pour le secteur de la distribution, cette mesure est devenue un boulet. Faire du social ne devrait pourtant jamais signifier mettre en péril la soutenabilité budgétaire.








