En marge de visite officielle à Washington, Brice Clotaire Oligui Nguéma a profité pour dévoiler une série d’annonces économiques majeures, marquant un tournant dans la diplomatie financière du Gabon. Au cœur de cette offensive : un prêt préférentiel de 2 à 3 milliards de dollars négocié avec l’EximBank des États-Unis et l’US-DFC, destiné à financer des infrastructures stratégiques. Cette ligne de crédit vise à soutenir trois projets d’envergure à savoir : le port en eau profonde de Mayumba, le barrage de Booué et le chemin de fer Belinga-Mayumba. Washington semble ainsi devenir un partenaire prioritaire dans la nouvelle géographie économique du pays.
Parmi les projets phares, le port en eau profonde de Mayumba cristallise l’attention. Estimé à près de 1,8 milliard de dollars et présenté comme le futur hub logistique du pays, ce port permettra d’exporter le fer de Belinga, les produits agricoles du sud, mais aussi d’accueillir les flux internationaux dans un Golfe de Guinée toujours plus stratégique. Le gouvernement affirme que 50.000 emplois directs et indirects pourraient être créés, et des discussions sont déjà engagées avec Rapiscan pour l’ingénierie portuaire et Boeing pour des équipements logistiques. Le pari est de faire de Mayumba le Rotterdam de l’Afrique centrale, malgré l’historique de lenteur des grands chantiers publics gabonais.

Au-delà de l’infrastructure, c’est le climat des affaires que le président entend rénover. Les signaux se multiplient depuis plusieurs mois : incitations fiscales, assouplissement réglementaire, réforme du Code minier, ouverture au secteur privé dans l’offshore profond… ExxonMobil, Perenco, Millennial Potash sont autant de groupes désormais impliqués dans la relance gabonaise. L’enjeu est à la fois de restaurer la confiance des investisseurs et de diversifier une économie trop longtemps centrée sur le pétrole. La diplomatie économique d’Oligui Nguéma semble s’aligner sur cette vision, en misant sur des partenariats « win-win » avec les grandes puissances financières.
Le chef de l’État mise aussi sur un effet d’entraînement. Le chemin de fer Belinga–Mayumba (675 km) et le barrage hydroélectrique de Booué, censé doubler la capacité énergétique du pays, font partie d’un plan intégré dont l’objectif est de générer 163000 emplois, de désenclaver les régions minières et d’offrir à l’industrie locale une énergie abondante et compétitive. D’autres projets sont évoqués comme l’aéroport international d’Andem et le redémarrage de la filière potassique de Mayumba, en collaboration avec la société canadienne Millennial Potash, dont les premières exportations sont prévues à l’horizon 2027.
Reste que l’ampleur financière du programme soulève des questions. Le recours à un prêt préférentiel américain présente l’avantage de taux plus favorables (autour de 3%) que ceux du marché des eurobonds (6,6 à 7%), mais vient alourdir un stock de dette publique déjà supérieur à 70% du PIB.
À l’heure où le service de la dette représente plus de 500 milliards de fcfa par an, le pari de la relance par l’investissement étranger devra s’accompagner d’un encadrement budgétaire rigoureux. La promesse d’un Gabon transformé par des infrastructures modernes ne pourra se concrétiser que si les projets avancent, si les partenaires s’engagent et si l’exécution publique gagne en transparence.