Le 19 mai 2025, la Cour internationale de Justice (CIJ) rendait un arrêt très attendu dans le cadre du différend opposant le Gabon à la Guinée équatoriale. Largement commentée, parfois à tort et à travers, cette décision mérite d’être appréhendée à travers le prisme juridique, loin des interprétations émotionnelles et des lectures politisées. C’est ce que s’efforce de faire Vivien Patrice Lloyd Amos Makaga Pea, avocat gabonais au barreau de Paris et ancien délégué des jeunes du Parti démocratique gabonais (PDG), dans une tribune éclairante. Il y rappelle que « la CIJ n’a pas attribué de territoires au sens politique du terme » et que la décision doit être comprise comme une rigoureuse interprétation du droit international. Retour sur une décision qui, au-delà du tumulte médiatique, remet les normes au centre du jeu.
Une décision fondée sur des titres juridiques, non sur des affectations politiques
Contrairement aux représentations qui ont circulé dans les médias, la CIJ n’a nullement redessiné les cartes ni arbitrairement distribué des territoires. Elle s’est strictement limitée à l’interprétation des instruments juridiques en vigueur, conformément à sa mission. « La Cour ne s’est absolument pas livrée à un exercice de découpage ou de répartition territoriale, mais a procédé à une lecture objective et technique des instruments juridiques existants », rappelle le Dr Makaga Pea.
Sur la frontière terrestre, la Cour a ainsi retenu comme seule norme applicable la Convention franco-espagnole de 1900, invalidant de facto l’usage contesté de la rivière Kyé comme ligne de démarcation. Quant aux îles Mbanié, Cocotiers et Conga, elle a écarté l’argument du Gabon fondé sur la Convention de Bata de 1974, jugée non contraignante, pour consacrer les droits hérités par la Guinée équatoriale de l’Espagne coloniale. Le droit, rien que le droit.
Pas de perdants, seulement des clarifications
L’un des apports majeurs de l’analyse du Dr Makaga Pea réside dans sa capacité à déconstruire les discours sensationnalistes autour de l’arrêt. Il insiste : « Certaines affirmations telles que “la Guinée équatoriale perd des territoires” sont juridiquement infondées. » En effet, la Cour n’a retiré aucun droit existant, mais à clarifier des situations juridiques basées sur des titres reconnus. Les éventuelles modifications de contrôle sur le terrain, notamment près d’Ebebiyin ou de Mongomo, ne relèvent pas d’un choix politique de la Cour, mais de la stricte application d’un traité datant de 1900. Il en va de même pour les revendications insulaires : le rejet du principe d’« effectivité » revendiqué par le Gabon s’inscrit dans une logique juridique claire où « de simples faits matériels ne peuvent prévaloir sur un titre juridiquement reconnu ».
Une ouverture à la négociation sur le maritime, et une responsabilité partagée pour l’avenir
Si la CIJ a tranché la souveraineté terrestre et insulaire, elle laisse encore ouverte la question maritime, faute de texte applicable. La Convention de Montego Bay est évoquée comme cadre de référence pour une future délimitation, qui devra se faire par la voie diplomatique entre les deux États. Ce point de droit, souvent mal compris, est central : « En aucun cas, la Cour n’a attribué de zones maritimes à l’un ou à l’autre. » Il appartient donc désormais aux gouvernements gabonais et équato-guinéen de faire preuve de coopération, dans le respect de l’esprit du droit international. Comme le souligne le Dr Makaga Pea, « il revient désormais au Gabon et à la Guinée équatoriale d’agir avec responsabilité, dans le respect de l’arrêt et des principes de bon voisinage ». Au-delà du verdict, c’est bien la conduite future des relations bilatérales qui dira si le droit peut aussi être un ferment de paix durable.
L’arrêt du 19 mai 2025 ne redéfinit pas le monde, mais il rappelle une vérité essentielle : dans les conflits internationaux, seul le droit tranche et prime sur les émotions.