Le Gabon, qui a longtemps reposé sur la rente pétrolière, voit aujourd’hui son industrie minière fragilisée par la crise sociale qui paralyse Comilog, premier producteur mondial de manganèse et acteur clé de l’économie nationale. Avec un chiffre d’affaires de 933 milliards de fcfa et une production de 7 millions de tonnes par an, la filiale d’Eramet est un pilier stratégique. Pourtant, la grève générale illimitée, qui coûte 2 milliards de fcfa par jour, met en évidence les fragilités d’un modèle économique trop dépendant de l’exploitation brute des ressources naturelles.
Le Gabon a déjà connu un choc économique majeur avec la chute des revenus pétroliers de 2014 qui se ressent encore, réduisant ses capacités d’investissement et creusant sa dette. Aujourd’hui, la crise du manganèse pourrait reproduire ce scénario, d’autant plus que les exportations minières ont reculé de 8,1% en 2023, affectant les recettes fiscales et les devises étrangères. En 2025, l’impôt sur les sociétés minières devait rapporter 81,5 milliards de fcfa. Or, avec une perte estimée à 60 milliards de fcfa sur un mois de grève, cette manne fiscale pourrait fondre de moitié si le blocage persiste.
Au-delà des tensions sociales, la dépendance d’Eramet au marché chinois pose un problème structurel. La demande chinoise, qui détermine les prix du manganèse, a montré des signes de ralentissement, affectant les exportations gabonaises. Le prix de la tonne de manganèse oscillant entre 4,5 et 5,76 dollars, la moindre baisse de la demande a un impact direct sur les revenus d’Eramet et du Gabon. Si Comilog traverse une crise interne, la situation pourrait se compliquer avec un effondrement des cours, ce qui réduirait encore la rentabilité du secteur. Le Gabon a-t-il une stratégie pour diversifier ses débouchés et éviter la répétition du déclin pétrolier ?
L’État gabonais, qui affiche des ambitions de souveraineté économique, est confronté à un dilemme : laisser Eramet continuer à dicter les règles du jeu ou imposer un nouveau cadre plus favorable aux intérêts nationaux. En 2023, les investissements dans le secteur minier ont atteint 108 milliards de fcfa, mais ils restent insuffisants pour transformer structurellement l’économie. La renégociation des contrats miniers pourrait être une option, mais cela nécessiterait une volonté politique forte et des leviers de négociation solides. Dans ce contexte, la grève de Comilog est un signal d’alarme sur l’urgence de repenser le modèle d’exploitation minière du Gabon.
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Si le pays ne prend pas des mesures stratégiques pour reprendre le contrôle de ses ressources et diversifier son économie, le secteur minier pourrait suivre le même chemin que l’industrie pétrolière : une explosion de profits à court terme suivie d’un effondrement durable, laissant un pays affaibli, sans véritable plan de développement endogène.