Le Gabon est au bord d’un choc économique majeur, mais le message du président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguéma, aux travailleurs pétroliers à Port-Gentil est d’abord politique : « Allez voter. » Alors que le secteur pétrolier menace d’entrer en grève dès le 22 mars, mettant en péril des centaines de milliards de fcfa de recettes fiscales, le président-candidat tente de détourner l’attention sur l’échéance électorale. Pourtant, l’alerte est rouge : chaque jour de grève coûterait 1,6 milliard de fcfa de manque à gagner en exportations, et plus de 11 milliards de fcfa sur une semaine, un coup dur pour un budget déjà sous pression.
La Loi de Finances 2025 avait anticipé une baisse des revenus pétroliers, avec une prévision de 661,4 milliards de fcfa de recettes, bien en dessous des 1 020 milliards de fcfa encaissés en 2023. Mais ces chiffres supposaient un secteur fonctionnel, sans perturbation majeure. Une grève prolongée forcerait l’État à revoir ses équilibres budgétaires en urgence, risquant un effondrement similaire à celui de 2020, où le pays avait perdu près de 20 % de ses revenus pétroliers à cause de la crise. Pourtant, alors que l’ONEP maintient la pression et que l’UPEGA esquive les négociations, le gouvernement semble plus préoccupé par la mobilisation électorale que par l’effondrement de son principal moteur économique.
L’impact ne se limitera pas aux pertes directes. Une grève des travailleurs du pétrole pourrait entraîner un effet domino sur l’ensemble de la chaîne d’exploitation : logistique, entretien des plateformes, transport du brut, et services annexes. Si les sous-traitants entrent dans le mouvement, c’est toute l’industrie qui pourrait être paralysée, empêchant Perenco, TotalEnergies et Maurel & Prom d’opérer. Déjà fragilisé sur les marchés internationaux, le Gabon risque de voir son image encore plus dégradée auprès des investisseurs, qui pourraient se détourner au profit d’autres pays producteurs.
Et si l’industrie pétrolière s’arrête, c’est tout le pays qui vacille. L’État finance ses dépenses essentielles grâce aux revenus du pétrole : infrastructures, santé, éducation… Une paralysie prolongée ouvrirait la porte à des coupes budgétaires et aggraverait la crise de liquidités qui pèse déjà sur les entreprises locales. Pendant ce temps, les fournisseurs de l’État pourraient voir les retards de paiement s’accumuler, créant un effet d’asphyxie économique bien au-delà du secteur pétrolier.
Face à ce scénario catastrophe, l’attitude du président de la transition interroge. Peut-on ignorer une telle menace en appelant d’abord les travailleurs à voter ? L’ONEP a répondu par un « Non » de dépit, illustrant bien le fossé qui se creuse entre le pouvoir et ceux qui font tourner la machine économique. Si aucun accord n’est trouvé, les caisses de l’État perdront des milliards, et l’élection risque de se dérouler dans un climat de crise sans précédent.