Le président de la Transition gabonaise a fait la déclaration de sa candidature à l’élection présidentielle le 03 mars dernier. Après son arrivé au pouvoir pour restaurer les institutions au soir du coup d’État du 30 août 2023, la candidature du nouvel homme fort du pays n’était pas une surprise, car étant aussi bien plébiscité par une frange de la population gabonaise que par le contexte de son arrivée au sommet de l’État. Cependant, dans un climat électoral dominé par de nombreux enjeux, la course à la présidentielle actuelle ne semble pas faire douter le Chef militaire au pouvoir quant à l’issue victorieuse de sa candidature. Faute, semble-t-il pour le moment, à l’absence d’une opposition consensuelle ou grâce à une stratégie bien huilée depuis l’avènement de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema aurait-il déjà toutes les cartes en mains ?
Tous les voyants au vert pour Oligui Nguema ?
Selon les explications données par le général au pouvoir, ses velléités de candidature ont été nourris par une « mûre réflexion et une écoute des appels à se positionner » de la part de toutes franges des populations gabonaises à se présenter à l’élection présidentielle du 12 avril prochain. Mais à y regarder de près, la stratégie a été conçue, pensée pour ces moments-là. A la quête du pouvoir, le président de la Transition s’est défini comme le “bâtisseur”, faisant sans doute allusion aux nombreux chantiers d’aménagement des voiries urbaines, de la construction des bâtiments publics, le financement des secteurs économiques fortement tributaires de grands groupes étrangers, mais également mise-t-il sur les réformes institutionnelles engagées à l’orée de sa Transition politique pour se positionner déjà comme le grand vainqueur de l’élection post Bongo-PDG ?
Oligui Nguema ou la stratégie du contre-pied
Pour bon nombre d’observateurs et d’acteurs politiques, la tenue en avril de la présidentielle risque de faire basculer le résultat de l’élection. Et pour cause, l’annonce du Conseil des ministres du 22 janvier 2025 à fragmenté les possibilités pour l’opposition de s’organiser autour d’une stratégie. Ce qui fait dire à Ondo Ossa que “ les conditions ne sont pas réunies pour l’organisation d’une élection”.
D’ailleurs, c’est l’une des raisons du renoncement du Pr Noël Bertrand Boudzanga le 4 mars dernier, qui a décidé de se . “En ce jour du 04 mars 2025, en mon âme et conscience, j’ai décidé de renoncer à ma candidature à l’élection présidentielle du 12 avril 2025. […] Pourquoi je renonce à ma candidature ? Pour des raisons de cohérence politique. Le 03 mars 2025, le président de la Transition a annoncé sa candidature à la présidentielle. Or lui et moi ne pouvons nous confronter dans une élection libre, transparente et crédible. […] En effet, la seule participation du président de la Transition à cette élection fausse le jeu démocratique que la Transition devait restaurer. […] Dans ces conditions, je ne peux pas prendre part à une compétition politique qui porte en elle-même les germes du délitement de la démocratie, les germes de la fraude”, avait-il déclaré dans un communiqué.
Jean Rémy Yama en outsider
En revanche, le syndicaliste de la plateforme Dynamique unitaire (DU) et sénateur de la transition, Jean Rémy Yama, sera bel et bien l’un des adversaires d’Oligui Nguéma. Le président du Parti national pour le travail et le progrès (PNTP) a été choisi comme le candidat du « consensus » par trois autres candidats déclarés à la présidentielle qui se sont désistés, notamment Sylvain Steeve Ilahou, Marc Malekou et Brice Ngui Nze. “Il (Oligui Nguema, ndlr) a promis aux Gabonais qu’il rendrait le pouvoir aux civils, et moi, j’aurais souhaité qu’il respecte sa position, d’une part. […] Et je vois maintenant la résurgence du PDG, l’ancien parti au pouvoir, qui a été chassé. C’est-à-dire les mêmes acteurs qui ont été avec Ali Bongo, ce sont les mêmes acteurs, c’est-à-dire ceux qui avaient fait Ali en 2016, ils sont en train de le faire avec le président Oligui, par des marches, par des manifestations, appels à candidature, et ça, c’est un mauvais signal que le président Oligui soit le candidat du PDG, parce que c’est ça qui est en train de se dessiner“, confiait Yama dans une interview accordée à nos confrères de RFI.
Alain-Claude Bilie-By-Nze en embuscade ?
Même son de cloche pour Alain-Claude Bilie-By-Nze, ancien Premier ministre du régime déchu qui a retiré son dossier de candidature au siège de Commission nationale d’organisation et de Coordination des Élections ou du Référendum (Cnocer) et procédé à la visite médicale. Avec ses amis de l’initiative pour des élections post Transition pacifiques, démocratiques, inclusives, libres et transparentes, Ali Akbar Onanga Y’Obegue et le PR Albert Ondo Ossa, ils pensent que “le fichier électoral est invalide, car il ne respecte pas les normes du nouveau Code” électoral qui a été révisé et promulgué en début 2025. Pour ces aliés de circonstances, “si les élections se tiennent dans ces conditions, elles ne seront ni transparentes ni crédibles”.
Alors, comment faire face à ce revirement du gouvernement et de la parole du président de la transition de restaurer les institutions et remettre le pouvoir aux civils ? Personne n’a de réponse pour l’instant. Quoi qu’il en soit, l’avancée de la date oblige les camps politiques à s’adapter sur tous les plans : financièrement, logistiquement, ce qui représente un grand défi à relever pour tous les candidats partant pour cette échéance.
Le regard du monde…
A l’heure où le pays tente de retrouver sa dignité après une gestion catastrophique et clanique par Ali Bongo et les pédégistes, l’organisation d’une élection présidentielle transparente serait une avancée significative dans le modèle de gouvernance politique et démocratique tant réclamé par les populations. Aux hommes politiques de penser à l’intérêt commun. Seule l’histoire nous le dira.