Dans le cadre du Projet de Constitution de la 2ème République du Gabon, le président de la République cumule les fonctions de Chef de l’État et de Chef du Gouvernement, une concentration du pouvoir qui soulève des questions sur l’équilibre institutionnel et la bonne gouvernance du pays. Ce modèle, bien qu’il puisse offrir une certaine efficacité décisionnelle dans la forme, présente plusieurs inconvénients majeurs pour la démocratie gabonaise, un pays en quête de réformes, de stabilité institutionnelle et en quête d’efficacité en termes de gouvernance.
La première inquiétude majeure liée à cette concentration du pouvoir est l’absence d’un véritable contre-pouvoir au sein de l’exécutif. En tant que Chef du gouvernement, le président détient non seulement le contrôle de l’État, mais aussi celui des ministères et de toutes les décisions gouvernementales. Cela lui confère un pouvoir quasi-absolu sur la gestion du pays, réduisant l’indépendance des ministres et la capacité de l’appareil gouvernemental à fonctionner de manière autonome. Ce modèle affaiblit la séparation des pouvoirs qui est essentielle dans toute démocratie pour assurer un contrôle mutuel des institutions et prévenir les abus de pouvoir.
Ensuite, cette structure institutionnelle présente un risque élevé de dérive autoritaire. L’histoire politique du Gabon a été marquée par de longues périodes de pouvoir concentré entre les mains de dirigeants qui, souvent, ont limité l’alternance politique. On a pu voir le résultat. Le pays est loin d’être un modèle de développement. Le fait que le président de la République soit également le Chef du gouvernement renforce ce risque, car il concentre entre ses mains des pouvoirs exécutifs considérables, sans véritables contrepoids internes. Dans ce contexte, les mécanismes de transparence et de responsabilité peuvent être fragilisés, réduisant la capacité des autres institutions à jouer leur rôle de surveillance.
Un hyper-Président
En outre, la durée du mandat présidentiel de 7 ans, bien que renouvelable une seule fois, accentue ce phénomène de concentration du pouvoir. Alors que dans de nombreuses démocraties modernes, les mandats présidentiels sont limités à 4 ou 5 ans, afin de favoriser une alternance plus rapide et d’empêcher la monopolisation du pouvoir, le Gabon opte pour une durée plus longue. Ce choix, en rupture avec les tendances démocratiques actuelles, perpétue un modèle de gouvernance où les dirigeants peuvent rester en place pendant de longues périodes, renforçant ainsi le contrôle du pouvoir exécutif sur l’ensemble de l’appareil étatique.
Tout ceci constitue un retour en arrière, dans un monde où la gouvernance moderne encourage des mandats plus courts pour dynamiser la vie politique et assurer une meilleure reddition des comptes. La concentration des fonctions de Chef de l’État et de Chef du Gouvernement affaiblit également les institutions parlementaires. En théorie, le Parlement devrait être un contrepoids puissant au pouvoir exécutif, capable de contrôler et d’équilibrer les actions du gouvernement. Mais dans un système où le Président dirige aussi le gouvernement, le Parlement risque de se retrouver marginalisé.
Cette situation peut limiter le débat politique et entraver la capacité des représentants élus à influencer de manière significative les politiques publiques. Le rôle du Parlement en tant qu’instance législative et de contrôle s’en trouve affaibli, ce qui nuit à la dynamique démocratique du pays. Par ailleurs, cette concentration des pouvoirs entre les mains du Président va limiter la transparence et la responsabilité dans la gestion des affaires publiques. Or, dans une démocratie saine, la division des pouvoirs permet une répartition des responsabilités qui renforce la transparence et encourage les dirigeants à rendre des comptes.