Le projet « Bâtissons l’édifice nouveau » de Brice Clotaire Oligui Nguema indique que « l’accès universel à l’électricité est un droit et un levier de développement ». Il promet de doubler la capacité énergétique nationale en 10 ans, en misant sur l’hydroélectricité, le solaire et la biomasse. En théorie, cette approche est pertinente : le Gabon a un fort potentiel hydraulique et solaire, mais l’accès à l’électricité reste limité à environ 38 % en zone rurale (Banque mondiale, 2022), et les coupures de courant récurrentes affectent même les centres urbains.
Importance de la coordination institutionnelle
L’ambition de « porter la part des énergies renouvelables à 60% du mix énergétique d’ici 2035 » suppose une accélération massive des investissements. Or, le projet n’indique ni la stratégie de financement, ni les incitations aux producteurs indépendants (IPP). Pis, il ne fait pas référence à l’accord actuel conclu avec Karpowership. Or, sans cadre clair, les projets risquent de buter sur les mêmes obstacles que ceux de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), souvent à l’arrêt par manque de coordination interinstitutionnelle.
À titre de comparaison, le Rwanda a triplé sa capacité électrique en 10 ans en combinant micro-barrages, centrales solaires et partenariats public-privé, avec des mécanismes de rachat garantis. Le Gabon peut s’inspirer de cette approche modulaire, surtout dans les zones isolées. Mais cela implique de renforcer l’ARSEE (régulateur), de simplifier les procédures d’autorisation, et de restructurer la SEEG pour en faire un acteur fiable.
Quid du modèle opérationnel ?
Le projet évoque aussi la création d’un « Fonds d’électrification rurale », sans en définir les ressources ni le modèle opérationnel. Une telle structure pourrait se révéler utile si elle s’appuie sur les collectivités locales et la société civile pour identifier les besoins, éviter les doublons et évaluer l’impact réel des installations. Là encore, le diable est dans les détails.
En définitive, l’objectif d’électrification universelle est louable, mais sans un cadre juridique stabilisé, sans réformes de gouvernance dans le secteur, et sans partenariats techniques solides, cette promesse risque de se heurter à la réalité d’un réseau vétuste, centralisé et sous-financé.