Dans le chapitre consacré à la gouvernance, le projet « Bâtissons l’édifice nouveau » de Brice Clotaire Oligui Nguema reconnaît que « les marchés publics ont longtemps été un instrument de rente plutôt qu’un levier de développement ». Il annonce une réforme de fond, incluant la digitalisation des procédures, la simplification des seuils et la création d’une plateforme unique de passation en ligne. Cette approche est salutaire dans un contexte où les marchés publics représentent près de 60% des dépenses d’investissement, sauf que les 19 mois de transition nous donnent un aperçu de la réalité.
Garantir l’efficacité des nouvelles procédures
Cette réforme ne pourra aboutir sans une véritable volonté de rupture avec les pratiques actuelles. Les cas Ebomaf, Karpowership ou encore Mika Services qui ont obtenu des marchés sans appel d’offres publics ces derniers mois laissent d’ailleurs planer le doute. Le projet affirme vouloir instaurer « un système de notation des entreprises adjudicataires et un suivi citoyen des chantiers », mais sans détailler le rôle des organes de contrôle (ARMP, IGF, Cour des comptes). La Cour des comptes qui n’a d’ailleurs publié aucun rapport durant toute la période de Transition, du jamais vu sous Ali Bongo avant son AVC. Sans indépendance réelle ni pouvoir coercitif, ces institutions ne pourront garantir l’efficacité des nouvelles procédures.
Des exemples sur le continent
Des pays comme le Bénin ou l’Éthiopie ont digitalisé leurs plateformes de marchés publics, avec des résultats positifs : réduction des délais, traçabilité des contrats et participation accrue des PME locales. Le Gabon pourrait s’en inspirer, à condition d’investir dans la formation des gestionnaires publics et de créer un portail de données ouvertes accessible au public.
Le projet mentionne aussi une « priorisation des entreprises nationales » dans l’attribution des marchés. Or là encore, avec Ebomaf qui vient de rafler la mise dans le méga projet de construction de l’aéroport d’Andeme évalué à 220 milliards de fcfa, difficile d’y croire. Si cette mesure est bien encadrée, elle peut renforcer le tissu local. Mais mal appliquée, elle risque de favoriser le clientélisme ou d’exclure les opérateurs compétitifs. La transparence doit donc primer, et les critères d’éligibilité doivent être publics, objectifs et vérifiables.
Restaurer la confiance des citoyens
En définitive, le chantier des marchés publics est central pour restaurer la confiance des citoyens et des investisseurs. Mais la rupture annoncée devra être accompagnée d’un encadrement strict, de sanctions effectives en cas de corruption, et d’une implication réelle de la société civile. Il devra, s’il est élu, mettre fin à des pratiques qui ont cours depuis plusieurs décennies. Il devra faire bien plus pour restaurer les confiances des populations sur ce volet.