Il y a, dans l’art délicat du pouvoir, une question qui revient comme un goût amer sur la langue : la loyauté. Loyauté envers la nation, loyauté envers un projet, loyauté envers un homme qui porte, pour un temps, la responsabilité collective : Brice Clotaire Oligui Nguema. Quand cette loyauté vacille, quand elle se transforme en intérêt personnel déguisé en service public, la plus grave des trahisons se produit : le sabotage silencieux de l’espoir.
Une promesse de réparation
Le 30 août 2023 a marqué une rupture. Ali Bongo a été déposé au nom d’une nation qui ne pouvait plus tolérer que des mains étrangères (des légionnaires et leurs alliés Gabonais), mercenaires ou non, viennent s’engraisser sur le dos du peuple. On a pointé du doigt la mal-gouvernance, la corruption, le clientélisme, la fraude électorale, la gabegie financière. Le changement promis n’était pas seulement un échange de visages ; c’était une promesse de réparation, de dignité retrouvée pour le peuple. « C’est enfin notre essor vers la félicité » est devenu un mantra, une signature du nouveau régime.
Le danger d’une inclusivité sans garde-fous
Quand le président Brice Clotaire Oligui Nguema a pris la parole après son accession au pouvoir suprême, il a voulu clore un chapitre de dévoiement et en ouvrir un autre : justice, probité, bonne gouvernance. Il a choisi l’inclusivité, ce mot beau et risqué qui consiste à offrir une seconde chance, à rassembler pour reconstruire. Mais une seconde chance ne doit pas devenir un laissez-passer pour commettre les mêmes errements. L’inclusivité sans garde-fous peut vite se muer en impunité.

Une répétition des pratiques dénoncées
Aujourd’hui, on observe avec inquiétude ce qui ressemble à une répétition des pratiques dénoncées jadis. Les mêmes logiques se réinstallent, non plus derrière le rideau d’un pouvoir contesté, mais parfois dans l’ombre de la nouvelle République : fraudes électorales sans sanctions, népotisme, clientélisme, trafic d’influence, abus de pouvoir, conflit d’intérêts, etc. Si la responsabilité politique ne trouve pas d’exercice concret, si les complicités n’engendrent pas de conséquences, alors la parole réformiste perd sa substance. Le président est-il mal entouré ? S’est-il trompé en misant sur certains acteurs ? Ou bien assiste-t-on à un sabotage volontaire de la part de ceux à qui l’on a tendu la main, pour miner le projet de refondation ?
L’État de droit par dessus tout
La réponse importe peu si l’on ne remet pas l’essentiel au centre : l’État de droit. Ceux qui, sous couvert d’un engagement républicain, violent la loi et servent des intérêts privés doivent être appelés à rendre des comptes. L’inclusivité doit s’accompagner d’exigence : examen transparent des responsabilités, sanctions proportionnées, justice indépendante. Sans cela, la théorie de la deuxième chance basculera en complice silencieuse d’un nouveau statu quo.
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Le « Gabon nouveau digne d’envie » ne peut être un no man’s land où règnent hors-la-loi et pratiques fondées sur l’enrichissement facile. Il ne peut non plus être un théâtre d’apparences où l’on prononce de belles phrases sans les traduire en actes. Le pays mérite mieux que des demi-mesures. Il mérite une transition claire, rapide et rigoureuse vers une République qui inspire, non qui déçoit.
Entre loyauté et promesses
Que l’on soit partisan ou sceptique, il faut reconnaître une vérité simple : la loyauté d’un peuple se gagne par la constance des actes. Les promesses doivent rencontrer la transparence, la tolérance doit s’accompagner d’exigence, et la clémence ne doit jamais devenir l’asile du mal fait. Aider le président à réussir cette transition, c’est d’abord l’exiger ; et exiger que ceux qui sabotent se tiennent devant la justice. Le Gabon vaut mieux que la répétition des mêmes fautes.
Par Ferdinand DEMBA
Directeur de publication Inside News241