Avec une production en chute libre et des contraintes opérationnelles majeures, comment la Société gabonaise de raffinage (SOGARA) a-t-elle pu générer 701 milliards de fcfa en 2023 ? Cette question mérite d’être posée tant les chiffres semblent paradoxaux : une baisse de 33,3% de la production de brut raffiné mais un chiffre d’affaires qui la place troisième entreprise du pays derrière Comilog et Assala.
En 2023, SOGARA n’a raffiné que 666124 tonnes métriques de brut, contre 998 896 tonnes en 2022. Cette chute est principalement due à deux arrêts techniques majeurs et aux retards de paiement des fournisseurs, qui ont suspendu l’approvisionnement en brut. Résultat : pour combler ce déficit, le pays a fortement augmenté ses importations de produits pétroliers raffinés, qui ont bondi de 42,3% pour atteindre 491014 tonnes.
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Dès lors, une partie significative du chiffre d’affaires de SOGARA ne provient pas de son activité de raffinage, mais bien de la revente de carburants importés. Autrement dit, l’entreprise a joué un rôle d’intermédiaire, achetant à l’international notamment au Togo, pour revendre sur le marché local, sans réelle transformation de la matière première. Si la production a baissé et que les importations ont comblé le déficit, une autre variable entre en jeu : l’augmentation des prix des carburants.
Un effet prix plutôt qu’un effet volume ?
En 2023, le marché pétrolier mondial a connu une forte volatilité, impactant directement le prix des produits pétroliers. La hausse des ventes de certains segments comme le super (+7,2 %), le turbine fuel (+21,4 %) et le pétrole lampant (+12,1 %) indique que la valeur des ventes a pu compenser la baisse des volumes produits. En revanche, à l’export, SOGARA a subi une chute brutale de 39,4% des ventes de résidu atmosphérique, entraînant une baisse de 58,5% de son chiffre d’affaires à l’international.
Loin d’être le reflet d’une croissance industrielle maîtrisée, les 701 milliards de fcfa de SOGARA semblent donc davantage liés à des ajustements conjoncturels. Si cette stratégie permet de maintenir artificiellement un chiffre d’affaires élevé, elle fragilise l’entreprise à moyen terme. Une réduction des importations, une meilleure gestion des stocks et une optimisation de l’outil de production seront indispensables pour que SOGARA ne devienne pas un simple revendeur de produits pétroliers au lieu d’un acteur clé du raffinage gabonais. D’ailleurs, il était un temps évoqué une privatisation de son outil productif pour stimuler la croissance.