Le torchon brûle au sommet de BGFI Holding. À quelques jours d’une entrée en Bourse annoncée en fanfare, une fracture éclate entre Henri-Claude Oyima, président tout-puissant du groupe bancaire, et Christian Kerangall, actionnaire historique jusque-là silencieux. Dans une interview coup de tonnerre accordée à L’Union le 22 juillet 2025, Kerangall dénonce une gouvernance opaque, une IPO précipitée, et un dialogue rompu.
L’affaire était restée feutrée, elle est désormais publique. En s’exprimant pour la première fois en 30 ans de présence au capital, Christian Kerangall brise le consensus de façade autour de l’introduction en Bourse de BGFI Holding Corporation, prévue le 31 juillet 2025 sur la BVMAC. Opposé à la manœuvre lors de l’assemblée générale extraordinaire de juin, il pointe un passage en force orchestré sans délibération réelle. « Il ne s’agit pas d’harmoniser les postures, mais de respecter les règles de fonctionnement », assène-t-il. Un coup de butoir direct pour Oyima.
Derrière la façade d’une IPO estimée entre 120 et 141 milliards de fcfa, le malaise est profond. Kerangall, via sa holding Sogafric, contrôle environ 13% du capital. Il s’interroge sur le « timing » choisi pour cette cotation historique, alors que le groupe sort tout juste d’une restructuration interne et de lourds ajustements financiers. Pis : il affirme ne pas être seul. D’autres actionnaires importants, dont certains institutionnels étrangers, partageraient ses inquiétudes, notamment sur la gouvernance.
Henri-Claude Oyima, quant à lui, campe sur ses positions. Artisan du développement fulgurant de BGFI, il pilote en parallèle le ministère de l’Économie depuis mai 2025, un cumul jugé préoccupant. Malgré sa promesse de « transition douce » vers un retrait progressif du groupe, le conflit d’intérêts est sur toutes les lèvres. « Plusieurs décisions ont été prises sans délibération formelle », rappelle Kerangall, insistant sur le fait que l’alignement aux standards OHADA et CEMAC est encore très loin d’être achevé.
Une chose est certaine : ce duel entre Oyima et Kerangall dépasse le simple désaccord stratégique. Il expose les fragilités d’un géant bancaire qui s’apprête à affronter le regard impitoyable du marché. Alors que BGFI se rêve en locomotive panafricaine cotée, son cockpit est traversé par des turbulences que l’IPO pourrait bien amplifier. À Libreville comme à Paris, les investisseurs observent avec méfiance cette lutte de pouvoir désormais impossible à masquer.