Présenté comme une avancée vers plus de rigueur, le décret fixant la composition des cabinets ministériels entériné lors du dernier conseil des ministres, ne fait en réalité qu’institutionnaliser un système déjà coûteux et inefficace. En établissant des seuils de personnel par rang protocolaire (ministre d’État, ministre, ministre délégué), le texte donne une apparence d’ordre. Mais aucune réduction n’est actée. Au contraire, ces plafonds formalisent le gaspillage : 10 conseillers pour un ministre d’État, 9 pour un ministre, 2 pour un ministre délégué, sans compter les chargés d’études, de mission, chefs de cabinet, secrétaires, chauffeurs, agents de sécurité et de protocole.
Pour une estimation moyenne de dépense, chaque cabinet de ministre d’État coûterait entre 250 et 300 millions fcfa par an, avec salaires bruts, indemnités, logements, véhicules, frais de mission. Pour les 3 ministres d’État actuels, la charge frôle déjà 900 millions fcfa/an. Les 27 autres ministres (y compris délégués), avec des cabinets dits « resserrés« , coûteraient entre 180 et 220 millions fcfa/an chacun. Résultat : plus de 5,7 milliards fcfa par an pour les 27, auxquels s’ajoutent les ministères avec cabinets parallèles (Défense, Intérieur), soit un total consolidé supérieur à 6,5 milliards fcfa par an, exclusivement pour les cabinets politiques. Et ce, sans intégrer les dépenses cachées comme les primes exceptionnelles, les missions à l’étranger ou les véhicules de remplacement.
Une bureaucratie tentaculaire
Ce décret ne vient pas réduire une bureaucratie tentaculaire : il la confirme, l’organise et la sanctuarise. Le nombre ne garantit aucune performance ; au contraire, il nourrit une chaîne de décisions lentes, floues, et déresponsabilisées. Aucun poste n’est rattaché à un objectif mesurable, aucun livrable n’est exigé, aucune obligation de résultat n’est mentionnée. Le texte, pourtant présenté comme structurant, ressemble davantage à une charte interne de répartition des avantages politiques entre clans, qu’à un outil de gouvernance publique.
Aucun mécanisme d’évaluation des cabinets
La réforme ne prévoit aucun mécanisme d’évaluation des cabinets. Combien de rapports produits ? Quels résultats atteints par tel ou tel conseiller ? Quel impact réel des chargés d’études sur les décisions publiques ? Aucun chiffre, aucun audit, aucun reporting. Dans le secteur privé, aucun cadre supérieur ne serait payé sans livrer un bilan. Pourquoi le contribuable gabonais devrait-il financer des postes sans retour ? Il est temps d’imposer un contrôle budgétaire, poste par poste, cabinet par cabinet. Chaque franc public engagé doit avoir un impact mesurable.
Gouverner, ce n’est pas distribuer des titres mais obtenir des résultats
Tant que les cabinets ministériels seront des instruments de récompense politique, et non des cellules de réflexion stratégique ou de mise en œuvre, les décrets resteront de la poudre aux yeux. Le peuple gabonais attend des écoles réhabilitées, des routes praticables, des soins accessibles, pas des nominations décoratives. Le jour où l’on consacrera 6 milliards de fcfa à l’emploi des jeunes au lieu des cabinets ministériels, la République redeviendra crédible. En attendant, l’État semble gouverné non par des objectifs, mais par des équilibres de clans.