La Conférence des chefs d’État de la CEMAC, qui se tient à Yaoundé ce lundi, se présente comme un rendez-vous crucial pour l’avenir économique et politique de la sous-région. Avec des économies en quête de stabilité et des tensions internes croissantes, les dirigeants, parmi lesquels le président gabonais de la Transition, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, doivent surmonter des divergences profondes pour parvenir à un consensus sur des questions vitales comme la dette publique, les échanges commerciaux et les mécanismes de solidarité financière entre États membres.
Bien que liée par une monnaie commune et un marché unique en théorie, la CEMAC est minée par des intérêts nationaux souvent divergents. D’un côté, des pays comme le Cameroun, moteur économique de la région, insistent sur une meilleure discipline budgétaire et la réduction des déficits pour éviter un effondrement de la zone monétaire, même si des progrès internes restent à faire. De l’autre, des nations comme le Tchad ou la Centrafrique, lourdement dépendantes de l’aide internationale, militent pour davantage de flexibilité et d’aides directes au développement. Quant au Gabon, sous la direction d’Oligui Nguema, il cherche à redorer son image après des années de gestion controversée.
La dette publique comme pierre angulaire
Parmi les sujets brûlants à l’ordre du jour figure la gestion de la dette publique, qui dépasse désormais les seuils critiques dans plusieurs pays. Au Gabon, par exemple, la dette atteindra 80 % du PIB en 2025 et pourrait dépasser les 100 % en 2027. Une situation qui pousse Libreville à demander une approche plus collective pour alléger le fardeau des remboursements. Cependant, certains pays, comme la Guinée équatoriale, qui maintiennent une dette plus contenue, voient d’un mauvais œil tout mécanisme régional qui pourrait les contraindre à soutenir financièrement leurs voisins les plus endettés.
Mais au-delà des finances, la sécurité reste un autre point de friction. Le Cameroun, aux prises avec des conflits internes, demande une coopération renforcée pour lutter contre les mouvements insurrectionnels qui menacent la stabilité de la région. La Centrafrique, soutenue militairement par des partenaires extérieurs comme la Russie, privilégie des alliances bilatérales au détriment d’une approche régionale intégrée. Ces divergences sur les priorités stratégiques compliquent toute tentative d’approfondissement de l’intégration économique et politique, pourtant essentielle pour garantir la résilience de la CEMAC face aux chocs extérieurs.
Un consensus fragile mais impératif
Face à ces dissensions, la question centrale reste : Oligui Nguema et ses pairs pourront-ils s’accorder ? Le défi est d’autant plus complexe que chaque dirigeant devra composer avec des opinions publiques parfois hostiles à de nouvelles concessions supranationales. Néanmoins, des institutions comme la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) et la Commission de la CEMAC insistent sur la nécessité d’une feuille de route claire et ambitieuse.
Le succès de ce sommet dépendra de la capacité des chefs d’État à faire preuve de leadership et à dépasser leurs intérêts immédiats pour l’intérêt commun de la sous-région. Mais dans un contexte où les divergences nationales prennent souvent le pas sur les ambitions collectives, rien n’est garanti. La CEMAC joue une partie décisive pour sa survie, et l’issue de cette rencontre pourrait définir le futur équilibre de la région.