L’histoire énergétique du Gabon semble se répéter. Après la fin houleuse du contrat entre Veolia et l’État gabonais en 2016, qui avait conduit à la réquisition de la SEEG, voilà qu’un nouvel accord avec Karpowership fait ressurgir le spectre d’une privatisation déguisée. Officiellement présenté comme une solution temporaire à la crise énergétique, ce partenariat pourrait pourtant placer une nouvelle fois la SEEG sous la dépendance d’un opérateur privé étranger.
Veolia et l’Etat gabonais
Le contrat signé en 1997 entre l’État gabonais et Veolia, alors Générale des Eaux, avait confié à l’entreprise française la gestion de l’eau et de l’électricité pour une durée de 20 ans. Pendant cette période, Veolia a investi dans l’amélioration du réseau, permettant d’augmenter le nombre d’abonnés à l’électricité de 100 000 à près de 300 000. Mais ces avancées se sont accompagnées d’un contrôle accru de Veolia sur les infrastructures, une tarification jugée excessive et des tensions croissantes avec les autorités gabonaises, qui ont finalement réquisitionné la SEEG en 2018, dénonçant un manque d’investissements suffisants et des engagements non tenus.
Il faut dire qu’avec un besoin global estimé à 11.000 mégawatts (MW), le Gabon ne dispose que de 704 MW de capacités d’énergie électrique installées à fin 2023. Et ce, pour un mix énergétique composé de 380 MW d’origine thermique (gasoil et gaz), soit 54%, et 324 MW d’origine hydraulique, soit 46%. Une situation très préoccupante pour le Premier ministre de la transition Raymond Ndong Sima et son gouvernement qui tentent de trouver des solutions à cette problématique.
LIRE AUSSI : Karpowership Gate : 1,8 milliard de fcfa par mois au lieu de 15 milliards, selon CTRI News ?
Aujourd’hui, avec Karpowership, l’État gabonais s’engage sur une période de… 20 ans. Un détail qui n’a d’ailleurs pas été démenti par les autorités de la transition, malgré leur tentative maladroite de rectifier le chiffre de 15 milliards fcfa par mois en évoquant plutôt 1,8 milliard via leur média référent, CTRI News. En d’autres termes, si le coût exact de cette opération reste flou, la durée du contrat, elle, ne fait aucun doute. Et avec certaines clauses révélées, comme celle qui prévoirait la récupération de la SEEG par Karpowership en cas de retard de paiement de seulement deux mois, on est en droit de se demander si cette opération ne cache pas une privatisation à peine déguisée.
Coût de la collaboration
Le coût de cette collaboration est aussi au cœur des interrogations. Sous Veolia, la privatisation avait entraîné des hausses tarifaires et une gestion focalisée sur la rentabilité plutôt que sur l’accessibilité de l’énergie. Avec Karpowership, la situation pourrait être encore plus critique, notamment en raison du coût exorbitant du fioul lourd nécessaire aux centrales flottantes. Si les 1,8 milliard fcfa annoncés par les autorités semblent irréalistes, l’hypothèse de 15 milliards fcfa par mois paraît beaucoup plus plausible. Une somme qui, si elle est répercutée sur les factures des ménages, risque d’entraîner une flambée des tarifs Edan.
Finalement, la grande question reste la transparence. Veolia avait été critiquée pour l’opacité de sa gestion et de ses investissements. Aujourd’hui, le contrat Karpowership demeure tout aussi flou. Le FMI avait pourtant appelé le Gabon à plus de clarté sur les accords pétroliers, miniers et énergétiques. Si rien n’est fait pour éclaircir ce partenariat, le Gabon risque de voir l’histoire se répéter : une gestion étrangère de son secteur énergétique, une perte de contrôle progressive et une population qui en paie le prix fort.