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Dette, FMI et dépenses publiques : Oligui Nguema peut-il vraiment redresser les finances du pays ?

le coup de coeur

Brice Clotaire Oligui Nguema veut rassurer. « La dette est là, elle existe. Ce n’est pas moi qui l’ai créée. J’en ai hérité. Et j’en suis aujourd’hui responsable. » « Au FMI, je ne dois pas. » Deux phrases fortes prononcées par le président-candidat lors de son interview accordée à TV5 Monde le 25 mars dernier, mais qui soulèvent plus de questions qu’elles n’apportent de réponses. D’un côté, un constat sur l’endettement du pays, de l’autre, une affirmation d’indépendance vis-à-vis du Fonds monétaire international. Mais derrière ces mots, où en est réellement la gestion des finances publiques sous la transition ? Car depuis le 30 août 2023, la dette n’a pas disparu, bien au contraire : le CTRI a déjà creusé une ardoise de près de 1 500 milliards de fcfa, dont 375 milliards rien qu’entre janvier et mars 2025.

Si le chef de l’État affiche une volonté de contrôle, les chiffres, eux, montrent une trajectoire inverse. S’agissant de la masse salariale, elle est passée de 704 milliards sous Ali Bongo à 825,3 milliards sous Oligui. Un bond de plus de 120 milliards de fcfa en seulement quelques mois. Pourtant, aucune réforme majeure de l’administration n’a été mise en place. Comment expliquer cette explosion des coûts ? 

Si les autorités évoquent une régularisation des situations administratives et un meilleur traitement des agents publics, cela ne résout pas le problème de fond : le Gabon continue de dépenser plus qu’il ne génère. À cela s’ajoutent des dépenses considérables en biens et services, prévues à hauteur de 378 milliards de fcfa pour 2025. Un montant qui interroge sur les priorités du gouvernement, alors que le pays peine à financer ses infrastructures et à relancer son économie.

Refuser de s’endetter auprès du FMI, c’est une chose. Mais cela suppose d’avoir des alternatives solides pour financer le fonctionnement de l’État. Or, la diversification économique du Gabon est encore embryonnaire. Le pays reste largement dépendant du pétrole, dont les recettes varient en fonction des cours internationaux. La transition a certes mis l’accent sur la lutte contre la corruption et l’optimisation des recettes fiscales, mais cela prend du temps. Pendant ce temps, les dépenses s’accumulent et les créanciers attendent d’être payés. 

Et dans ce contexte de finances tendues, l’État prévoit encore 117 milliards de fcfa pour les dépenses politiques, dont 31 milliards de fcfa uniquement pour l’élection présidentielle du 12 avril et les scrutins à venir. À cela s’ajoutent 27 milliards de fcfa destinés au référendum constitutionnel, dont la clé de répartition reste floue, et près de 7 milliards de fcfa pour le dialogue national inclusif, qui semble jusqu’ici plus proche d’un monologue gouvernemental que d’un véritable consensus.

Si la dette est un problème hérité, la gestion actuelle ne semble pas en voie de l’apaiser. À défaut de réduire l’endettement, Oligui Nguema doit au moins éviter d’aggraver la situation. Mais avec une masse salariale en hausse, des emprunts qui continuent de s’accumuler et une économie encore trop peu dynamique, la marge de manœuvre reste étroite. Le gouvernement a-t-il un véritable plan pour stabiliser les finances publiques ? Ou bien sommes-nous en train d’assister à un simple changement de discours, sans réelle rupture avec les pratiques du passé ?

Le Gabon ne doit peut-être rien au FMI aujourd’hui, mais à ce rythme, combien de temps tiendra-t-il avant de devoir y retourner ? Car au-delà des déclarations d’indépendance, la réalité budgétaire reste la même : sans une gestion rigoureuse, le pays risque tôt ou tard de se heurter à ses propres limites. Les créanciers privés, les bailleurs internationaux et même les partenaires bilatéraux pourraient commencer à exiger des garanties plus solides avant de continuer à prêter au Gabon. Et lorsque l’accès au crédit se resserre, le risque d’un retour forcé vers les institutions financières internationales devient inévitable. Car si l’État trouve encore de l’argent pour financer ses dépenses politiques, ses référendums et ses dialogues nationaux, la question demeure : où trouvera-t-il les fonds pour investir dans l’avenir du pays ?

Loin d’être un simple enjeu technique, la dette publique est une question de souveraineté. Maîtriser son financement, c’est garantir une capacité d’action sur le long terme. Mais si l’endettement devient incontrôlé, il finit par dicter l’agenda politique et économique. Pour Oligui Nguema, l’heure n’est plus aux déclarations, mais aux décisions. Car en l’absence d’une stratégie claire, le Gabon pourrait bien se retrouver à négocier, tôt ou tard, avec les mêmes institutions qu’il prétend aujourd’hui vouloir éviter. D’autant qu’un nouveau programme avec le FMI est déjà en gestation, remettant en cause l’idée d’une indépendance financière réelle.

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