Le samedi 7 décembre, depuis l’ambassade du Gabon en France, le colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, porte-parole du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), a annoncé la composition de la Commission nationale chargée de l’élaboration de l’avant-projet de Code électoral. Ces travaux, prévus pour s’étaler sur une durée de seulement 15 jours, marquent une nouvelle étape dans la transition en cours, avec l’objectif de préparer les prochaines élections prévues en 2025. Cependant, cette échéance suscite des interrogations, tant sur sa faisabilité que sur les leçons à tirer d’expériences similaires ailleurs en Afrique.
Après l’adoption d’une nouvelle Constitution par référendum en novembre dernier, le Gabon s’engage résolument vers la refonte de son système électoral. La Commission nationale, placée sous la coordination de Murielle Minkoue Mintsa, ministre de la Réforme des Institutions, devra intégrer les recommandations issues du Dialogue national inclusif tenu en avril. L’objectif affiché : garantir un cadre juridique renouvelé et conforme aux attentes des parties prenantes pour l’organisation des élections présidentielles, législatives et locales.
Parmi les membres de cette commission figurent des personnalités bien connues, telles que Hermann Immongault (Intérieur), Paul-Marie Gondjout (Justice), et Brigitte Onkanowa (Défense), ainsi que des figures politiques expérimentées comme Zacharie Myboto et Didjob Divungui Di Ndingue. Cependant, la nomination de certaines figures controversées, notamment celles qui ont vivement critiqué le projet de Constitution, suscite des inquiétudes quant à l’équilibre des travaux.
Une durée étonnamment courte
Si l’urgence de mettre fin à la transition est compréhensible, la durée de 15 jours prévue pour cet exercice apparaît particulièrement ambitieuse. À titre de comparaison, d’autres pays africains ayant entrepris des réformes similaires ont généralement pris plus de temps pour élaborer un nouveau Code électoral. Au Burkina Faso (2014-2015), l’élaboration du Code électoral, bien que prioritaire, a nécessité plusieurs mois de concertations entre différents acteurs politiques et civils. En Tunisie (2011-2014), le pays a pris trois ans pour adopter une nouvelle Constitution et réformer en profondeur son cadre électoral. Ces exemples montrent bien qu’une réforme électorale inclusive et robuste nécessite généralement un délai plus long pour aboutir à un consensus durable, surtout dans un contexte marqué par des tensions politiques.
Une réforme sous contrôle militaire ?
De plus, la composition de la Commission et la rapidité de l’agenda pourraient refléter une volonté des autorités militaires de garder le contrôle sur les futures échéances électorales. Des critiques émanent notamment de la plateforme Ensemble pour le Gabon, dirigée par l’ex-Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze, fervent partisant du “NON”. Ces derniers redoutent que les travaux accélérés ne débouchent sur un cadre juridique taillé sur mesure pour les intérêts du pouvoir actuel. Dans de telles conditions, si la transition gabonaise veut éviter les écueils observés dans d’autres pays, les autorités devront éviter toute forme de précipitation.
La refonte du système électoral gabonais en 15 jours constitue un pari audacieux. Si cette réforme réussit, elle pourrait devenir un modèle de transition rapide et efficace. Mais si elle échoue ou est perçue comme biaisée, elle risque d’aggraver les tensions politiques et de compromettre la stabilité à long terme. À ce stade, tout dépendra de la capacité de la Commission à répondre aux attentes et de l’engagement des autorités à garantir une réforme véritablement inclusive.