Depuis plusieurs années, le Gabon affiche une croissance qui oscille autour de 2,5 à 3%. À première vue, l’économie semble résister aux chocs extérieurs et maintenir une trajectoire positive. Mais derrière cette façade, le niveau de vie réel se dégrade depuis près de sept ans. Le PIB par habitant progresse moins vite que la croissance nationale et recule plus brutalement lors des crises, créant un fossé entre la performance macroéconomique et la réalité quotidienne. Ce contraste met en lumière une croissance “statistique”, déconnectée de la population. Un héritage de l’ancien régime dirigé par Ali Bongo Ondimba.
Cette réalité macroéconomique révélé par la Banque mondiale dans son rapport publié le 5 décembre dernier, est alimenté par la structure extractive du pays. Les variations du baril déterminent l’essentiel de la trajectoire économique, créant des cycles qui enrichissent l’État sans transformer la base productive. Quand le pétrole se porte bien, le PIB grimpe mécaniquement, mais les secteurs non pétroliers n’en profitent pas. Ils ne représentent qu’une part trop faible de la richesse nationale pour redistribuer les gains de manière significative. Le résultat est une croissance sans diffusion sociale.
Les rapports officiels soulignent aussi que la consommation des ménages est négative depuis 2016, en raison de l’inflation importée et de la stagnation des revenus. Cela signifie que même en période de croissance, les Gabonais consomment moins. Ce paradoxe serait impensable dans une économie diversifiée où la croissance est tirée par le travail, l’innovation ou la productivité. Au Gabon, la croissance dépend d’un facteur externe instable, ce qui explique pourquoi elle ne profite ni aux salariés ni aux petites entreprises.
Le grand défi est donc de créer une croissance “réelle”, c’est-à-dire endogène, diversifiée et centrée sur la valeur ajoutée locale. Tant que la structure actuelle perdurera, les chiffres macroéconomiques masqueront une détérioration silencieuse du niveau de vie. La croissance sera visible dans les rapports, mais invisible dans les foyers. Et tant que cette contradiction ne sera pas résolue, le pays restera prisonnier d’un modèle d’illusion économique.








