La confiance du public est le socle de toute institution républicaine, et la police, garante de la sécurité, ne fait pas exception. Pourtant, selon la dernière enquête Afrobarometer, « seuls 25% des Gabonais déclarent faire partiellement ou beaucoup confiance à la police », tandis que plus de quatre citoyens sur dix (42%) affirment n’avoir « aucune confiance » dans cette institution.
C’est une faillite majeure pour un corps censé incarner l’autorité et la protection de l’État. Les résultats révèlent également une tendance inquiétante puisque la méfiance ne cesse de croître. Entre 2015 et 2020, la proportion de Gabonais déclarant ne pas avoir « du tout » confiance en la police est passée de 27% à 45%, avant de se stabiliser légèrement à 42% en 2021. Ces chiffres traduisent une lente érosion de la crédibilité des forces de l’ordre auprès de la population. Les témoignages recueillis au fil de l’enquête montrent que cette défiance est alimentée par des abus répétés.
Afrobarometer note que « 68 % des citoyens estiment que la police arrête souvent ou toujours les conducteurs sans motif valable » et que « 64% pensent qu’elle fait régulièrement un usage excessif de la force contre les manifestants ». De plus, un tiers des répondants (33%) vont jusqu’à affirmer que la police se livre fréquemment à des activités criminelles. Dans ces conditions, au lieu d’être perçue comme protectrice, la police devient une menace. Ce basculement est encore plus marqué parmi les populations jeunes et pauvres. Seuls 20% des moins de 25 ans et des personnes ayant un niveau d’instruction primaire ou inférieur déclarent avoir confiance dans la police. Ce fossé générationnel et social montre que la défiance est désormais enracinée et risque de s’aggraver si rien n’est fait pour y répondre.
La conséquence dépasse largement le champ sécuritaire. Une institution qui perd la confiance des trois quarts de la population entraîne avec elle tout un système de gouvernance. Quand Afrobarometer rapporte que « 99% des Gabonais pensent qu’au moins certains policiers sont corrompus, dont 68% qui jugent que cela concerne la plupart ou tous », c’est toute l’image de l’État qui se trouve discréditée. Car une police perçue comme prédatrice délégitime la loi elle-même et alimente des pratiques alternatives de sécurité. Dans de nombreux quartiers comme au PK11 par exemple, ce sont les réseaux communautaires, les comités locaux ou même des groupes privés qui assurent la protection, signe d’un recul de l’autorité publique. Ce constat constitue un avertissement sérieux pour les autorités. Sans réformes profondes, le fossé entre la police et les citoyens continuera de s’élargir, minant davantage la stabilité politique. Restaurer la confiance ne pourra pas se résumer à des recrutements massifs ou à des annonces symboliques. Il faudra démontrer par des actes visibles que la corruption et l’impunité ne sont plus tolérées, et que le respect des droits des citoyens devient la norme.