L’augmentation des dépenses de personnel de 53,6 milliards fcfa pour atteindre 825,3 milliards fcfa en 2025 soulève des questions fondamentales sur la gestion des finances publiques au Gabon. Officiellement, cette hausse est attribuée à plusieurs facteurs : la régularisation des situations administratives, les recrutements en cours et annoncés, ainsi que la revalorisation des vacations et émoluments de certaines catégories de fonctionnaires. Si ces dépenses peuvent être perçues comme un investissement dans le capital humain et l’amélioration du service public, une analyse plus critique, à l’image du travail effectué par la Cour des comptes au Sénégal, pourrait révéler des failles structurelles.
Performance de l’administration
L’un des principaux enjeux est de savoir si cette augmentation des salaires et recrutements se traduit réellement par une amélioration de la qualité du service public. Dans de nombreux pays, l’augmentation des dépenses de personnel ne s’est pas nécessairement accompagnée d’une hausse de la performance des administrations. Les secteurs clés comme l’éducation, la santé et la justice bénéficient-ils directement de ces hausses budgétaires ? Les citoyens constatent-ils un meilleur accès aux services publics ? Une Cour des comptes efficace pourrait poser ces questions et exiger des indicateurs de performance clairs pour justifier de telles augmentations.
Un autre point d’attention concerne la gestion des effectifs de la fonction publique. Le Gabon a déjà été confronté à des scandales liés aux « fonctionnaires fantômes », ces agents qui perçoivent un salaire sans exercer d’activité réelle. Sans un audit rigoureux, il est impossible de garantir que chaque recrutement est fondé sur un besoin réel et que l’argent public n’est pas gaspillé. Au Sénégal, la Cour des comptes a mis en lumière des discordances dans l’exécution budgétaire, ce qui montre l’importance d’un contrôle strict. Une institution similaire au Gabon pourrait vérifier si les recrutements annoncés répondent à des nécessités réelles ou s’ils sont motivés par des logiques politiques et clientélistes.
Une économie dépendante des ressources pétrolières
La masse salariale de l’État représente une part importante des dépenses publiques, ce qui limite la capacité du pays à investir dans d’autres secteurs essentiels comme les infrastructures ou l’innovation. En 2025, les dépenses de personnel représenteront plus du quart du budget général. À long terme, cette tendance pourrait devenir insoutenable si elle n’est pas accompagnée d’une réforme profonde de la fonction publique visant à améliorer l’efficacité et à maîtriser les coûts. L’exemple français montre que lorsque les dépenses de personnel deviennent trop lourdes, l’État est contraint de faire des ajustements fiscaux et budgétaires douloureux, avec des impacts sur la croissance économique et le bien-être des citoyens.
Quel rôle pour la Cour des comptes ?
En définitive, l’augmentation des salaires et des effectifs ne peut être viable que si elle s’accompagne d’une stratégie de financement claire et durable. La question des recettes publiques est cruciale : comment l’État finance-t-il cette hausse ? Une économie trop dépendante des ressources pétrolières, soumises aux fluctuations des prix mondiaux, ne peut garantir une stabilité financière à long terme. Sans une diversification économique et une meilleure collecte des impôts, l’accroissement des dépenses de personnel risque de creuser le déficit et d’accroître la dépendance du pays vis-à-vis des bailleurs de fonds. Une véritable Cour des comptes gabonaise aurait un rôle essentiel à jouer en mettant en lumière ces risques et en incitant à une gestion plus rigoureuse des finances publiques.