C’est un moment empreint d’émotion et de symboles qu’a vécu le Gabon ce mercredi 28 mai : la restitution officielle de 91 œuvres d’art au Musée national des Arts et Traditions à Libreville. Sculptures, masques, amulettes et statues issus des cultures Fang, Tsogho, Téké, Punu et Myènè sont désormais de retour sur leur terre d’origine, après plusieurs décennies passées en Europe.
Un retour attendu, au-delà du politique
Ce geste émouvant, porté par les collectionneurs Françoise Aubrun et Paul Bory, marque une étape majeure dans la lutte pour la souveraineté culturelle du Gabon. À 92 ans, Paul Bory, qui a vécu plus de six décennies au Gabon, a souligné l’attachement profond qui le lie à ce pays : « Ces objets représentent toute ma carrière au Gabon. Je voulais qu’ils retrouvent leur terre d’origine », restituées volontairement sans contrainte juridique, ces œuvres constituent un acte de mémoire et d’amour plutôt qu’un simple transfert de propriété. La démarche, amorcée en 2023, a été formalisée par une convention signée en 2024 avec le gouvernement gabonais. Une première cérémonie discrète avait eu lieu à Sanremo, en Italie.
Un discours fort pour une réappropriation identitaire
C’est le vice-président de la République, Dr. Séraphin Moundounga, qui a reçu les œuvres lors d’une cérémonie solennelle organisée par le ministère de la Culture. Représentant le Chef de l’État, il a salué « une étape importante dans les efforts du Gabon à se réapproprier son histoire, à récupérer, protéger et préserver ses trésors patrimoniaux longtemps détenus hors de ses frontières ». Le ministre de la Culture, présent à l’événement, quant à lui, a détaillé les coulisses d’un processus long et délicat, entre correspondances confidentielles et volonté partagée de réparation symbolique. À ses côtés, diplomates, chercheurs et représentants communautaires ont assisté à cet acte historique.
Une nouvelle page pour les musées gabonais
Ces 91 pièces viennent enrichir les collections du Musée national des Arts, Rites et Traditions, inauguré en 2019. Déjà fort de plus de 2 500 œuvres, ce musée devient un pilier pour la transmission culturelle, le tourisme mémoriel et l’éducation patrimoniale. « Cette dotation est un précieux legs d’une valeur inestimable pour les générations présentes et futures. Une fierté nationale renouvelée », a déclaré le vice-président Moundounga.
Un signal fort adressé à l’Afrique et au monde
Dans un contexte mondial où la question de la restitution des biens culturels africains reste brûlante, cette action symbolise une diplomatie culturelle active et une reconquête mémorielle. Il s’agit-là d’« un acte de souveraineté mémorielle », appelant à repenser les politiques de conservation, d’accessibilité et de diffusion du patrimoine. La cérémonie s’est conclue par une visite symbolique de la grotte du musée, lieu sacré où l’art dialogue avec les ancêtres, un geste fort, qui ancre ce retour dans la spiritualité et la continuité historique.