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Gabon: alliance FMCT-ANUTTC, quand urbanisation rime avec exclusion 

le coup de coeur

La dernière annonce en matière d’urbanisme au Gabon a tout du projet séduisant : une station balnéaire au Cap Santa Clara et un parc logistique à Tchengué, portés par l’Agence nationale de l’urbanisme (ANUTTC) et la Façade maritime du Champ triomphal (FMCT). Derrière le portrait du développement et la rhétorique de modernité, ce nouveau partenariat illustre surtout une dérive inquiétante : celle d’un urbanisme de vitrine, pensé pour une minorité, mais financé par la majorité.

En effet, à l’heure où le déficit en logements dépasse les 250000 unités, où près de 35% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et où de nombreux citoyens vivent sans accès à des infrastructures de base, le choix de lancer des projets balnéaires ou logistiques interroge profondément. Loin de répondre à un besoin immédiat, ces aménagements s’apparentent à des investissements de prestige, sans réelle urgence sociale, dans un pays confronté à une pression urbaine historique.

La signature du partenariat, ce 3 juillet à Libreville, a été saluée par les deux directions générales comme un moment stratégique. Le Directeur général de l’ANUTTC, Adelphe Gildas Mickoto, y voit même un levier de transformation économique. Mais rien, dans le discours officiel, ne vient rappeler les engagements concrets en matière de logement social, de régularisation foncière massive, ou d’accès à des services essentiels dans les quartiers populaires.

Pire encore, ces projets sont financés par des ressources publiques, donc par le contribuable gabonais, qui ne verra souvent aucun bénéfice tangible de ces infrastructures. Faut-il le rappeler, FMCT est une filiale du Fonds Gabonais d’investissements Stratégiques (FGIS) qui bénéficie de l’appui du Fonds Souverain de la République Gabonaise (FSRG), lui-même financé à hauteur de 10% des revenus pétroliers du pays. Le paradoxe est donc cruel. Une nation à majorité pauvre finance, sans le vouloir, une nation parallèle, exclusive, où seuls quelques privilégiés jouiront des espaces conçus. 

Le Cap Santa Clara et Tchengué deviendront peut-être des symboles de modernité, mais ils risquent aussi d’incarner l’indifférence du pouvoir face aux urgences réelles de la population. La FMCT, bras opérationnel de l’État pour les aménagements d’exception (comme le projet toujours inachevé de la Baie des Rois), revendique vouloir « étendre son expertise » au reste du pays. Mais cette extension prend la forme d’îlots de développement haut-de-gamme, déconnectés des réalités du plus grand nombre, et vidés de toute logique de justice spatiale. 

Les populations de l’intérieur du pays, des quartiers sous-intégrés, ou des zones à forte densité, n’ont pour l’heure pas besoin de plages privées ni de hubs logistiques. Elles ont besoin de toits décents, de routes praticables, d’eau potable et de titres fonciers. La rhétorique de « l’innovation » et de « l’attractivité » occulte ainsi le rôle premier de l’État qui est de garantir un aménagement du territoire au service de tous, pas de transformer les fonds publics en capital urbain sélectif.

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