La victoire des syndicats de Comilog sur la revalorisation salariale a marqué un tournant majeur dans les luttes sociales au Gabon. En obtenant une augmentation du salaire de base proche de 100 000 fcfa pour toutes les catégories, les travailleurs de la première entreprise du pays ont prouvé que la pression collective pouvait forcer même les plus grandes multinationales à revoir leur politique salariale. Alors que la grève dans le secteur minier vient à peine de s’achever, une question se pose désormais : les opérateurs pétroliers vont-ils à leur tour céder aux revendications de l’Organisation nationale des employés du pétrole (ONEP) ?
L’ONEP, principal syndicat du secteur pétrolier, réclame depuis plusieurs mois une revalorisation générale des salaires et une amélioration des conditions de travail pour les employés du secteur. Les travailleurs du pétrole, pourtant moteurs de l’économie gabonaise, dénoncent une stagnation des salaires malgré la hausse des cours du brut et des conditions de travail de plus en plus précaires sur les plateformes et sites d’exploitation.
Face aux employeurs pétroliers, l’ONEP exige notamment une augmentation du salaire de base pour toutes les catégories professionnelles, à l’image de l’accord obtenu chez Comilog, des primes de risque et d’ancienneté plus élevées, en adéquation avec la dangerosité du travail dans le secteur, et une ne meilleure prise en charge sociale et médicale, les travailleurs dénonçant le manque d’accès aux soins en cas d’accidents de travail. Jusqu’ici, les entreprises pétrolières, dominées par des majors comme TotalEnergies, Perenco et Assala Energy, ont refusé de s’engager sur une revalorisation salariale d’ampleur.
Un signal fort
Mais après le succès des syndicats de Comilog, le rapport de force pourrait bien changer. Le succès des syndicats miniers face à Eramet et Comilog a envoyé un signal fort : aucune entreprise, aussi puissante soit-elle, n’est à l’abri d’une mobilisation réussie. Le fait que l’intervention du Président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, ait été déterminante dans la résolution du conflit minier met une pression supplémentaire sur les opérateurs pétroliers.
Le secteur pétrolier reste l’un des piliers de l’économie gabonaise, même si sa part dans le PIB a reculé face au boom du manganèse. En 2023, le pétrole représentait encore plus de 38 % des recettes de l’État et environ 70 % des exportations nationales. Un mouvement social massif dans cette industrie pourrait donc avoir des conséquences bien plus lourdes qu’une grève dans le secteur minier. Avec le précédent Comilog, le gouvernement ne pourra plus ignorer les revendications salariales de l’ONEP.
Si les travailleurs du pétrole décident de passer à l’action, le Président de la Transition pourrait se retrouver une fois de plus en position d’arbitre, contraint d’intervenir pour éviter un blocage de la production pétrolière et un manque à gagner colossal pour l’État. Cependant, les opérateurs pétroliers, contrairement à Comilog, ne sont pas tous sous la tutelle d’une seule maison mère. Là où Eramet a dû céder sous la pression politique, TotalEnergies, Perenco et Assala pourraient adopter des stratégies différentes, voire refuser tout compromis si elles jugent que le gouvernement n’a pas les moyens de leur imposer des mesures salariales.
Un test social majeur pour le Gabon
Si l’ONEP décide de durcir le ton et d’engager un mouvement social d’ampleur, le Gabon fera face à un véritable test de sa politique sociale et économique. L’enjeu dépasse les seules revendications salariales : il s’agit de savoir si le modèle économique basé sur l’exploitation des ressources naturelles peut enfin intégrer une meilleure répartition des richesses au bénéfice des travailleurs. Les prochains mois seront déterminants. Soit les employeurs pétroliers anticipent la pression et concèdent des avancées salariales avant même qu’un conflit n’éclate, soit le Gabon risque de voir se répéter le scénario de Comilog, mais à une échelle encore plus explosive.