Après le scandale Karpowership, qui a laissé planer des doutes sur la gestion des ressources énergétiques du Gabon, c’est désormais EBOMAF qui se retrouve dans la tourmente. Une enquête de la Cour des Comptes du Sénégal révèle des malversations financières impliquant les banques du groupe, avec des montants colossaux en jeu : un emprunt obligataire de 200 milliards de fcfa souscrit dans des conditions opaques et un remboursement d’emprunt de 80 milliards de fcfa non comptabilisé dans les registres de l’État sénégalais. Ces pratiques douteuses soulèvent une question fondamentale : le Gabon peut-il se permettre de confier ses infrastructures à une entreprise sous le coup de telles accusations ?
Le dossier est d’autant plus sensible qu’EBOMAF a récemment mis la main sur la Compagnie nationale de navigation intérieure et internationale (CNNII) et prévoit d’investir 700 milliards de fcfa au Gabon. Cette annonce, qui semblait bénéfique au premier abord, s’accompagne désormais de nombreuses incertitudes.
Des zones d’ombre
Depuis son arrivée dans le pays, l’entreprise burkinabè suscite des interrogations : comment un groupe dont l’expansion a été fulgurante et dont l’origine des financements reste floue a-t-il pu décrocher autant de contrats stratégiques ? Avec ces nouvelles accusations, le risque est désormais réel : si la situation d’EBOMAF venait à se détériorer, des projets majeurs comme l’aménagement du corridor routier Ndendé-Tchibanga ou encore la modernisation de la CNNII pourraient être stoppés net.
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L’État gabonais doit tirer les leçons du cas Karpowership, dont le contrat énergétique opaque et coûteux continue de susciter des doutes. Malgré son éviction du Sénégal, l’entreprise turque a trouvé refuge au Gabon avec un contrat à 12 milliards de fcfa par mois, dont les clauses exactes restent inconnues. Ce précédent rappelle combien il est risqué de s’associer à des entreprises aux antécédents troubles. Si EBOMAF venait à être empêchée par la justice, le Gabon se retrouverait dans une situation de blocage économique, avec des infrastructures laissées en suspens et des engagements financiers difficiles à assumer.
Une faille dans la gouvernance gabonaise
Cette répétition de choix douteux met en lumière une faille dans la gouvernance gabonaise. À force d’accueillir des entreprises rejetées ailleurs, le pays s’expose à des risques financiers et diplomatiques. Pourquoi Libreville accorde-t-elle sa confiance à des groupes dont la crédibilité est mise en doute par d’autres États ? Cette question est d’autant plus cruciale que le Gabon traverse une période d’incertitude économique, avec un accès restreint aux financements extérieurs. Si ces entreprises défaillent, le pays pourrait se retrouver piégé dans des engagements contractuels coûteux ou contraint de renégocier en position de faiblesse.
Le CTRI, en quête de solutions rapides pour relancer l’économie, semble jouer un jeu dangereux qui engage la souveraineté de l’État. En multipliant les accords avec des acteurs fragilisés, le gouvernement prend le risque de déléguer des pans entiers de l’économie nationale à des entreprises dont la pérennité n’est pas garantie. Or, l’indépendance économique du Gabon dépend de la solidité de ses choix stratégiques. À défaut d’une sélection plus rigoureuse de ses partenaires, l’État pourrait se retrouver dans une spirale où il finance, sans garanties, des entreprises sur lesquelles il n’a aucun contrôle.