C’est l’une des annonces fortes du conseil des ministres de ce jeudi 26 mars 2025. Le gouvernement vient d’acter un nouveau régime spécial de retraite pour les anciens vice-présidents de la République, Premiers ministres et présidents des chambres du Parlement. Pris en application de l’article 8 de la loi n°022/2018 portant Code de protection sociale, ce projet de décret leur garantit une pension équivalente à 70 % du dernier traitement fonctionnel, des avantages matériels et logistiques, ainsi qu’un accès à des soins médicaux pris en charge par l’État. À l’heure où le pays peine à équilibrer ses finances publiques, cette mesure interroge : faut-il encore multiplier les privilèges pour une élite politique alors que la majorité des Gabonais se battent pour leur survie économique ?
Un modèle de privilèges qui se généralise
L’un des points les plus frappants de ce texte est la durée minimale de service requise pour bénéficier de cette retraite : trois ans seulement. Contrairement aux fonctionnaires ou aux travailleurs du secteur privé qui doivent cotiser pendant des décennies, ces anciens hauts responsables accèdent à une pension confortable après un mandat relativement court. Cette situation rappelle l’ordonnance de janvier dernier, qui accordait déjà une pension de 1,3 million de fcfa aux anciens gouverneurs de province, avec une prise en charge médicale à vie et des frais funéraires couverts par l’État. Un modèle de privilèges qui se généralise alors même que le pays traverse une période de restrictions budgétaires.
Un poids financier non négligeable pour l’État
Au-delà du principe d’égalité, c’est aussi l’impact économique de ces retraites dorées qui pose question. La pension, qui représente 70 % du dernier salaire, est financée en grande partie par l’État (15 % de contribution publique contre 8 % de cotisation individuelle). À cela s’ajoutent des allocations d’intendance, des véhicules de service et des frais de sécurité. Un ensemble d’avantages qui risque d’alourdir considérablement les charges de l’État, déjà sous pression pour financer des services publics essentiels. Combien ces privilèges vont-ils coûter au budget national ? Dans un contexte où les finances publiques nécessitent une gestion plus rigoureuse, cet arbitrage soulève des interrogations.
Si l’on se fie aux chiffres officiels, près d’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage des jeunes avoisine les 40 %. Dans le même temps, les entreprises locales réclament une fiscalité plus stable et incitative pour relancer l’emploi. Alors que le gouvernement insiste sur la nécessité de rationaliser les dépenses publiques, comment justifier ces retraites dorées pour des responsables dont le rôle a été temporaire et dont l’impact économique direct est discutable ?
Un paradoxe
En multipliant les privilèges pour une élite politique, le gouvernement envoie un signal contradictoire. D’un côté, il prône une gestion rigoureuse des finances et un effort collectif pour redresser l’économie ; de l’autre, il garantit des pensions généreuses et des avantages à vie à une poignée d’anciens responsables. Cette politique ne fait qu’accroître le sentiment d’injustice sociale, à un moment où les Gabonais doivent déjà supporter de nouvelles charges, comme la taxe sur les ordures ménagères de 7 % imposée aux parents d’élèves.
Ce décret s’inscrit dans une logique où les privilèges de l’appareil d’État semblent primer sur les besoins urgents de la population. Plutôt que d’allouer ces ressources à des secteurs prioritaires comme l’éducation, la santé ou le développement économique, l’État choisit de pérenniser des avantages pour une élite restreinte. Une approche qui, si elle se poursuit, risque de fragiliser encore plus le lien entre les gouvernants et la population.