La journée électorale de ce samedi 12 avril 2025, démarrée à 8 heures dans les 3 037 bureaux de vote du Gabon, marque un tournant crucial pour ses 920 000 électeurs. Ce scrutin intervient sur fond de transition politique, où le général Brice Clotaire Oligui Nguema et l’ancien Premier ministre Alain Claude Bilie-By-Nze apparaissent comme les favoris. Le défi est grand : choisir un leader pour guider le pays à travers les complexités politiques actuelles.
Le général Oligui Nguema, fort de son rôle de chef de la transition au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), a su fédérer autour de lui un large soutien parmi les partis majeurs et des personnalités de la société civile. Son mouvement, « Le Rassemblement des Bâtisseurs« , représente un rassemblement inédit d’acteurs politiques et civils, visant à redéfinir les contours de la gouvernance gabonaise post-période de transition.
Contrairement à la présidentielle d’août 2023, où l’opposition s’était unie derrière la candidature d’Albert Ondo Ossa a travers la plateforme “Alternance 2023”, cette élection se déroule sans candidature unique de l’opposition. Brice Clotaire Oligui Nguema profite donc d’un large soutien du mouvement “Le Rassemblement des Bâtisseurs”. Un mouvement qui réunit des partis politiques majeurs tels que l’Union nationale présidé actuellement par Paulette Missambo, le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) d’Alexandre Barro Chambrier, ainsi que l’ancien parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (tendance Blaise Louembé), ainsi que la quasi-totalité des anciens barons du PDG démissionnaires après le 30 août 2023. Des acteurs de la société civile, dont Marc Ona Essangui, lauréat du Goldman Environmental Prize en 2009 et Geoffroy Foumboula Libeka Makosso du Copil citoyen, ont également apporté leur soutien à Oligui Nguema.
En revanche, Alain-Claude Bilie-By-Nze peine à obtenir le même appui massif. Malgré l’absence de consignes enthousiasmantes de la part de certains détracteurs de la transition, il a pu compter sur le soutien, certes isolé, de personnalités telles que Nicole Asselé, cousine d’Ali Bongo et fille de Jean Boniface Assélé, le président du Centre des Libéraux réformateurs (CLR). Ainsi, le rapport de force électoral semble pencher en faveur d’Oligui Nguema, au moins sur le terrain de la mobilisation politique.
Mais il faudra également compter avec les outsiders et trouble-faites qui peuvent surprendre, notamment Zenaba Gninga Chaning, seule femme en lice, Joseph Lapensée Essingone, Stéphane Germain Iloko, Axel Stophène Ibinga Ibinga, Alain Simplice Boungouères et Thierry Yvon Michel N’goma.
Cependant, deux figures importantes de l’opposition, Jean Rémy Yama, ancien prisonnier politique du régime déchu, et Michel Ongoundou Loundah, sont absents de ce scrutin. Leurs candidatures ont été invalidées par la commission électorale pour cause de dossiers incomplets. Malgré un recours déposé à la Cour constitutionnelle, leurs dossiers n’ont pas été validés.
Par ailleurs, un aspect préoccupant de cette journée électorale est le manque de représentants des candidats dans les bureaux de vote. À l’exception notable des organisations pour Oligui Nguema et Bilie-By-Nze dans quelques centres, la tendance générale montre un écart inquiétant, notamment constaté dans des lieux comme le centre de vote d’Agoungou, où aucun représentant de candidats n’était présent jusqu’en début d’après-midi ou dans celui de l’école publique Martine Oulabou.

Selon le Conseiller en Communication du ministre de l’Intérieur, Jean Eric Nziengui Mangala, « cette absence de représentants reflète un manquement aux nécessités impératives du Code électoral. Chaque candidat est tenu d’envoyer une liste de leurs représentants pour obtenir un mandat de représentation dans les bureaux de vote« . Cette lacune d’organisation pourrait compromettre la transparence et la crédibilité du scrutin, puisqu’à côté de cela il faut également enregistrer l’absence des observateurs, à l’exception des représentants de l’ACER (Autorité de contrôle des élections et référendum). Les présidents des bureaux expliquent cette absence par le fait que les observateurs indépendants ne sont pas tenus de demeurer de manière permanente dans les bureaux de vote. Ils y viennent pour prendre des renseignements et s’en vont aussitôt.

Sur le terrain, la situation reste contrastée. Dans des arrondissements mieux organisés comme celui de Libreville, le centre de vote Martine Oulabou témoigne d’une activité électorale plus structurée avec une présence notable des représentants, particulièrement pour Brice Clotaire Oligui Nguema. Cela contraste avec une certaine désorganisation ailleurs, exposant les disparités régionales dans la coordination électorale.
Le taux de participation reste une inconnue majeure. Lors du référendum constitutionnel de novembre dernier, le taux de 53,54% et le large soutien au « oui » avaient laissé entrevoir une polarisation de l’opinion publique. Cependant, cette élection, sans un candidat unique de l’opposition, pourrait être marquée par une abstention élevée, un indicateur ambigu de l’engagement citoyen.
À l’issue de ce scrutin, les résultats à venir seront scrutés de près pour comprendre l’orientation politique du Gabon. Ce processus électoral, dans ce contexte incertain, pourrait soit stabiliser le pays soit exacerber ses divisions, déterminant ainsi l’avenir politique et social de cette petite nation centrafricaine.