L’inventaire exhaustif du patrimoine public annoncé lors du Conseil des ministres du 30 mai 2025 pourrait marquer une étape décisive vers une gestion plus transparente des biens de l’État. « Un système numérisé de gestion moderne et transparente » est en effet prévu pour répertorier les bâtiments administratifs, les réserves foncières, les baux, les équipements techniques, les compteurs d’eau et d’électricité, ainsi que le parc automobile. Une initiative inédite, qui ouvre la voie à la création éventuelle d’une base consultable, en ligne, par les citoyens.
Le Rapport Pays 2024 de la BAD souligne que le Gabon souffre d’un déficit de confiance entre l’administration et la population, notamment en matière de gestion des ressources publiques. La fragmentation des données, l’opacité des processus de passation et l’absence d’un guichet unifié pour les actifs de l’État compliquent à la fois la gouvernance et la responsabilisation. Une plateforme publique d’information pourrait remédier à ces maux tout en renforçant le contrôle citoyen.
D’un point de vue technique, les outils nécessaires existent déjà. Le compte unique du Trésor est en cours de déploiement, et la plateforme Digitax a montré que la numérisation permet une remontée d’informations plus rapide et fiable. Le défi n’est donc pas technologique, mais politique : rendre visibles les données de gestion patrimoniale impliquerait de fixer un cadre légal, de définir les niveaux de confidentialité, et surtout, de garantir la mise à jour régulière des données.
L’impact potentiel d’une telle base serait significatif. Pour les opérateurs privés, elle permettrait d’accéder à des données foncières vérifiées. Pour les citoyens, elle instaurerait une culture de redevabilité et réduirait les risques de détournement ou d’occupation illégale de biens publics. Dans un pays où 34,3 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, chaque gaspillage d’actifs est un manque à gagner collectif. La BAD insiste d’ailleurs sur la nécessité de rendre l’investissement public plus efficace et mieux ciblé.
À ce stade, le Conseil des ministres n’a pas annoncé la mise en ligne publique de cette base, mais la volonté affichée de moderniser et numériser la gestion des actifs laisse entrevoir cette possibilité. Dans un environnement régional marqué par une demande croissante de transparence, le Gabon pourrait ainsi se positionner à l’avant-garde d’une gouvernance patrimoniale plus ouverte. Cela supposerait, en retour, une capacité de l’administration à faire de la donnée publique un levier de performance et non une source de risque politique.